… et après quelques semaines enfermées dans mon for intérieur, je suis enfin sorti voir la vie, un peu au hasard.
La première étincelle jaillit sous terre, assise face à moi, à quelques mètres.
Une robe d’été légère mais son visage s’accorde mieux avec ce blouson en cuir noir qu’elle porte clouté, sans doute en toute saison. Sur le revers, un pin’s rond, tout rose, avec une inscription majuscule. Une militante d’un nouveau genre ? Je fronce les sourcils, je regarde mieux, je lis : "Au régime".
En vain j’essaie d’imaginer ce qui peut se passer dans la tête d’une punkette coquette au moment où elle décide d’arborer ce pin’s… Je n’en saurai pas plus, le Palais Royal approche et j’y ai rendez-vous avec elle qui fut Elle.
Ensuite c’est le soleil, un banc, des roses, des mains, et sous les mains des yeux qui se ferment pour entendre commencer l’été dans toutes les langues.
Quand je rouvre les yeux, ils sont prêts à voir le monde autrement. Et le monde est complice : voici qu’au loin je repère un homme en habit noir. Parapluie dans une main, éventail dans l’autre, il avance très lentement dans les allées du jardin. Le temps de le détailler et ils sont déjà une dizaine à ses côtés, aussi noirs, aussi lents. Ils poussent la porte de notre square. Silencieusement une femme s’approche. A un mètre de moi elle lève lentement un long tube noir, qu’elle place près de mon oreille. Un court silence nous place hors du temps, puis un souffle, puis une voix, douce.
Mignonne, allons voir si la rose...
Dans le petit square le temps s’est arrêté. Un jeune ado à casquette s’approche des costumes noirs mais ils restent muets – qu’est-ce qu’ils font ? demande-t-il à tout le monde. Quand je lui dis, en souriant, il ne me croit pas.
Les poètes s’en vont maintenant sans un mot, lentement, consciencieusement absurdes ils savent qu’ils viennent de remettre de la vie dans le square. A une vieille dame toute fraîche sur le banc voisin ils ont laissé une carte. Je me renseigne.
Les souffleurs – commandos poétiques.
Alors elle qui fut Elle me raconte un jeu de piste, celui qu’un soupirant a inventé pour obtenir ses faveurs. Dans l’histoire il y a des messages codés, des fleurs, des chansons, des complices…
Au début j’ai cru que c’était toi, dit-elle, et je prends conscience qu’il y a bien longtemps que. Mais je ris, surtout, parce que j’ai senti à l’intérieur la machine se remettre en marche.
Il est temps de saluer la petite dame toute fraîche et de profiter d'aujourd'hui en parlant de demain.
Laisser le monde dominer encore une semaine, puis redevenir romanesque.
L’été ne fait que commencer