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  • Je suis un dieu vivant

    Ecrire n’est pas une question de temps. C’est une question d’énergie. Une énergie qu’on puise en soi, chez les autres, au bout du monde ou au coin de la rue, et parfois dans des livres.
    Hors jeu
    devait beaucoup à la lecture de Ravalec, Jaenada et Gran – le genre de lectures énergisantes, qui donnaient envie de transformer légèrement le réel pour mieux en sourire. De passer du café du commerce avec formules et points-virgules à une création, une vraie, bonne ou pas ce n’est pas la question, l’important est de dominer ce qu’on fait. D’être un dieu vivant avec son petit monde au bout du crayon. Et depuis… pas grand’chose. De très belles lectures, c’est sûr, mais rien qui ne vienne titiller l’envie.

    84626100632860M.gifAprès quelques mois de sécheresse un peu bougonne, je remercie donc Julien Blanc-Gras. Comment devenir un dieu vivant m’a redonné une pêche de printemps. Et l’envie, surtout, de transformer quelques petits élans de râleur rabougri en micro-fiction. Avec un plaisir d’écrire qui me fuyait depuis longtemps.
    Et en attendant d’en faire profiter Roman #2 (oui je rêve toujours de l’élan qui soudain emportera tout et me fera terminer le livre d’une traite, où tout ce que j’ai pu imaginer autour de cette histoire se transforme en vague arrachant tout sur son passage, où tel un dieu connu je prendrais sept jours pour… Bon, d’accord, pas maintenant, je vais faire un peu de ménage)… En attendant d’en faire profiter Roman #2, donc, le plaisir est revenu.
    Le résultat est là.

  • Le Cercle n'était pas fermé

    HAENEL%2520Yannick%2520COUV%2520Cercle.jpgDe loin, on ne voit à travers la foule qu'une veste et un visage un peu fatigués derrière une pile de livres.
    En s'approchant, on ne voit plus que ces yeux bleus-verts, des yeux lumineux et vivants où l'on retrouve tout l'élan de liberté qui fait la force de ce Cercle.

    Ensuite il y aura une conversation tout en retenue, deux lecteurs et un auteur, émotion pudique des deux côtés. Une petite dédicace, un au-revoir discret. De toute façon, il reste le livre.

    A un moment, j’ai entendu une voix. Je me suis retourné. De l’autre côté de la rue, il y avait une statue : c’était Karl Marx - Karl Marx lui même. De loin, il ressemble à Zeus. Peut-être ça explique les paroles : un dieu c’est éternel, ça ne meurt pas, ça parle à travers le temps. Au fond, peut-être que Marx lui-même n’a jamais cessé de parler ; ce sont les vivants qui ont cessé de l’écouter.
    (…)
    A voix haute il a dit que lorsqu’une civilisation se démet de ses capacités symboliques, le calcul multiplie les siennes et rafle la mise. L’argent, dit Marx, occupe toutes les places ; rien n’occupe si rapidement une place laissée libre. Ainsi, le monde qui se défait de son grand récit est-il aussitôt livré à la mise à sac. Celle-ci devient permanente – elle s’installe. Quand plus rien ne s’écrit, c’est que le récit est entièrement remplacé. Alors, dit Marx, l’oubli a beaucoup d’avenir.
    Ce que j’aime, chez lui, c’est qu’il ne s’indigne pas. L’indignation n’est souvent qu’un alibi au renoncement. Les grandes gueules croient ainsi donner le change. Mais une gueule, qu’elle soit petite ou grande, n’a rien à voir avec une tête.
    (…)
    Je me suis dit : ce soir, au téléphone, je dirai cela à Anna-Livia, je lui dirai pour les têtes magnifiques, pour le rhinocéros, et pour Karl Marx. Je lui citerai la phrase de Marx, je lui parlerai de la vie nouvelle.

    Yannick Haenel, Cercle (pp. 360-361)

    (Dédicace private : « La "vie nouvelle", je la vivais. La "vie nouvelle", une fois qu’on y est entré, on n’en sort plus jamais. Même si l’on traverse une mauvaise passe, personne ne peut vous en dépouiller. Car ce qui s’ouvre avec la "vie nouvelle" ressemble au savoir que vous offre l’illumination. Personne ne peut vous dépouiller d’une illumination. Si vous êtes illuminé, l’enfer ne peut rien contre vous - vous le traversez. »)

     

     

  • Le monde n'est pas une marchandise

    qu'il disait, l'ami José.
    Bien sûr que non.
    Le monde n'est pas une marchandise, c'est un grand magasin.

    ... je pensais l'autre soir, en subissant pour une fois le jité de France 2 et le vide dans les yeux de son lecteur de prompteur (ils les élèvent en batterie, je crois - la semaine dernière j'avais vu une autre tête, même vide, les traits n'avaient rien à voir et pourtant on les aurait jurés jumeaux).

    Je me suis dit qu'un jour il faudrait que je regarde la télé deux heures d'affilée, vers 13 ou 20h, pour faire le compte de tout ce qu'on peut nous vendre en 120 minutes : des produits, des gens, des marques, des idées, des valeurs - il doit y en avoir des trucs, dans le Grand Magasin.
    Enfin, ça je me le suis redit, parce que l'idée m'est venue il y a assez longtemps, en fait, mais je vous le dis pour accroître mes chances de le faire vraiment... Avec une seule contrainte : qu'on puisse en rire plus qu'en pleurer.

    (Tiens, au fait, je me souviens de la tête qu'il avait, ce journaliste présentateur: une tête de gondole.)

    (NB - le clou de ce jt de samedi : un "reportage" sur le au Salion du livre, où le journaliste reporter type de France 2 tente d'interviewer Anna Gavalda en pleine séance de dédicace sur le stand du Dilettante. Anna Gavalda a bien précisé qu'elle ne donnerait pas d'interview pour sa Consolante - c'est tout à son honneur. Du coup les journalistes s'affolent ; "Vraie naïveté ou plan marketing ?" Voilà bien la seule question qui intéressait Canal+ et France2 samedi. Passionnante question. Qui vaut bien d'aller foutre son micro sous le nez de Gavakda en pline dédicace, alors qu'une bonne centaine de personnes font la queue depuis longtemps pour la voir. "Vous me dérangez, là", répète l'auteur, (très) agacée. Vous auriez pu être plus méchante, Anna. Bravo.)

  • Tiens, salut, ça va ?

    - Dis-donc, gars, on te voit plus trop par ici
    - C'est vrai. C'est que je passe un peu trop de temps chez moi, devant mon ordi.
    - Ben justement! Facile de nous poster un petit billet, alors. Tu sais qu'on prend vite nos petites habitudes, nous, hein.
    - Euh... Mais tu t'en fous de ma vie, non ?
    - Ah non !
    - Ah si.
    - Bon. Admettons. Et alors ?
    - Alors attends un peu que je sorte de là. C'est quand même plus intéressant de regarder le monde dehors pour écrire, non ?
    - Ca se tient. Mais qu'est-ce que t'attends pour sortir, alors ?
    - Ah! En voilà, une vraie bonne question!
    - A bientôt, alors ?
    - A bientôt.
    - Bon, ben... salut. Tu salueras la rue pour moi.

  • Un peu d’air en sous-sol

    Fatigué d’être resté trop longtemps enfermé, je suis sorti hier voir la ville avant de la traverser de part en part. Trouver un peu d’air en sous-sol – j’avais oublié mon livre, j’étais prêt à accueillir la vie qui se présenterait.
    Elle s’est présentée assez vite, d’ailleurs, sous la forme d’une jupe écossaise étonnamment laissée sur un siège. Faut revenir demain, elle va enlever le bas, m’a dit en souriant la Mama qui me rejoignait sur le siège. Elle lisait le torche-cul râpeux de Bolloré, Direct Matin – c’est quand même bien pratique d’être informé gratis, hein ?
    Elle y aura peut-être lu cette fabuleuse légende – celle qui accompagne une photo de la présidente du Medef : "Laurence Parisot incarne une vision moderne du patronat". Ah, la légendaire indépendance du journaliste à la recherche de la vérité ! Sur la page d’à côté, la photo est légendée "Bertrand Delanoë, maire de Paris".

    Un peu plus loin, un peu plus tard, tranquillement assis en fond de rame, je regarde les hommes tomber et les femmes sur le quai. L’une d’elles met un pied dans la rame, lève la tête, ressort – Putain, y’a trop de croque-morts ici ! Et elle monte dans le wagon suivant, avec ses cheveux en bataille et son discman dernier cri. Mon voisin a continué à faire la gueule, j’ai rigolé.
    Non loin de là, deux jeunes collègues croquaient à pleines dents longues une vie sans goût.
    Arrête ton char, disait la jolie cadrette. La seule chose que tu lis, c’est la fiche de paie.

    Et la ligne 8 a continué son chemin vers Balard.
    Un livre sur le métro, sans doute pas. Mais écrire dans le métro, ça oui. Une idée en l’air. Elle se précise.

  • Histoires d'amour

    "C'est comment, les livres d'amour ?
    - Ceux-là, je crains de ne pouvoir t'en parler. Je n'en ai pas lu plus de deux.
    - Ca ne fait rien. C'est comment ?
    - Eh bien, ils racontent l'histoire de deux personnes qui se rencontrent, qui s'aiment et qui luttent pour vaincre les difficultés qui les empêchent d'être heureux."
    (Luis Sepulveda, Le vieux qui lisait des romans d’amour)

    « Moi je veux lire un roman d’amour. Mais un beau, hein », me dit-elle.
    Pris d’une furieuse envie de biaiser, j’envisage un instant de répondre que tous les romans parlent d’amour – trop facile.
    Alors je plonge dans ma mémoire, je me dis que je dois bien lui en trouver une demi-douzaine qui vous transportent du début à la fin avec le sentiment pour seule tension, sans verser dans la guimauve (tiens, ça aurait pu être une question finale dans La Cible – citez-moi cinq romans d’amour en trente secondes)
    ... Et non.
    Si j’exclus les classiques-que-je-n’ai-pas-lus, je reste bloqué à deux : Belle du seigneur (Cohen) et Le chameau sauvage (Jaenada).
    Petit score. Si vous avez des idées, je transmettrai.

    *** 

    PS : il faut parfois longtemps de l’envie à l’action – je parle de livres, là, hein. Au moins dix ans que le titre du livre de Sepulveda me tentait, il fallait juste un déclic. Et ce fut une belle lecture nocturne. Merci à G., qui se reconnaîtra.

    PSS : presque rien à voir, mais soudain je repense à cette note… Joli souvenir. Et hop, un sourire.