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  • Devenir

    Entendu hier en passant, la voix d'Afflelou vantant sa nouvelle idée :
    "Next Year, c'est sans intérêt..."
    Enfin une pub qui dit vrai.

    radin.jpgDu coup je repense à ce découpeur de panneaux, dans le métro, et à ces pubs PriceMinister qui ont de nouveau colonisé le fond des rames. "Devenez radin" : un cas d'école, parfait exemple de faux-second-degré© masquant un bon vieux premier degré décomplexé.
    Pour une fois l'antipubeur n'avait pas travaillé au marqueur. Il avait juste coupé la pub en deux.
    « DEVENEZ » - voilà qui faisait un beau slogan.
    Je devrais peut-être m'y mettre.

  • De la sueur, de l'encre et des larmes

    La guerre, toujours.

    L'autre jour une amie me racontait les déboires de l'administration où elle se débat. Du très classique, en somme : obéissant au principe fondateur de la modernité politique (Un fait divers = une loi), la ministre de tutelle réclame des mesures à la va-vite rapides et deux-trois trucs qui se voient pour le 20h. Branle-bas de combat, pression du Big Chief sur le chef qui mobilise le sous-chef et hop, les équipes surnuméraires se mettent en huit pour que la ministre...
    Au final tout ça ne servira à rien, bien sûr, mais on se sera bien démené, de la sueur aura coulé, un peu de sang et des lignes budgétaires, aussi, le 20h est passé sous le nez de la ministre mais il y aura eu un beau communiqué.
    Bref.

    Et hier soir, je tombe sur ça. 1915, les généraux ont annoncé une nouvelle Grande Offensive. Bien sûr ça ne passe pas très bien...

    « Quant à avancer profondément, tout espoir était perdu. Cette offensive qui devait tout enfoncer avait péniblement gagné quelques centaines de mètres en huit jours. Il fallait que des officiers supérieurs justifiassent de leurs fonctions devant le pays par quelques lignes de communiqué qui sentissent la victoire. Nous n'étions plus là que pour acheter ces lignes de notre sang. Il ne s'agissait plus de stratégie, mais de politique. » (Gabriel Chevallier, La peur)

    On va tous les communiquer.

  • Bas les coeurs

    201616vb.pngIdée reçue : avant 1940, les guerres étaient simples :

    Option 1 : de Grands Empereurs se lançaient dans de grandes conquêtes ; ils conquéraient des pays entiers et leur apportaient la civilisation (quand ils étaient français), ou alors ils mettaient les villes à sac (mais ça on n'en parlait pas beaucoup). Sauf qu'il ne fallait pas faire ça trop loin de chez soi, parce qu'alors c'était la Bérézina.

    Option 2 : deux camps, des armées réduites, un champ de bataille officiel, un jour précis (plus pratique pour les livres d'histoire), hop on les lançait les uns contre les autres, un peu comme un tournoi, à la fin de la journée il y avait un vainqueur et zou, quelques territoires basculaient.
    Il y avait 14-18, bien sûr, avec des armes modernes mais au fond c'était toujours pareil, chacun son camp et on attaque, sauf que ça n'avait pas duré un jour mais quatre ans.

    Puis est arrivée la deuxième guerre, et là, on a inventé des choses toutes nouvelles : les déportations, la collaboration, la résistance.
    Bon, pour les déportations, d'accord. Mais pour le reste, Darien nous fait vite comprendre qu'on n'avait pas inventé grand'chose (c'est vrai qu'à l'époque peu de gens l'avaient lu, ce livre).

    Bas les cœurs, c'est la guerre de 1870 vécue de l'arrière par le gamin d'une famille versaillaise, entre propagande officielle, préjugés officieux et arrivée des officiers allemands. Dans les rues de Versailles, on crie Vive l'Empereur, puis Vive la République, et puis on travaille pour l'Etat-major allemand. Le père collabore avec entrain mais le grand'père, lui, fait de la résistance tout en livrant son ennemi aux Prussiens pour devenir maire à la place du maire. Ah tiens ? Résister, collaborer. Au fond, c'est si naturel.

    Et puis, Bas les cœurs, c'est Darien. Darien jeune, mais déjà la plume joyeusement blasée, l'anarchisme léger et la férocité au coin des phrases, l'air de rien, comme Marcel Aymé plus tard. Un vrai bon Darien.

    "La France est divisée en deux camps : une minorité turbulente et malsaine, plus disposée à tourner ses armes contre les prêtres que contre les Prussiens (...) et la grande majorité de la nation, effrayée de ces menaces de révolution sociale et demandant la paix à tout prix. Que lui importent l'Alsace et la Lorraine ? Les Français n'ont plus depuis longtemps qu'un désir : vendre cher leurs produits et vivre grassement dans les jouissances de la matière." (G. Darien, Bas les cœurs, p. 238)

  • Ligne 2

    La station est Blanche mais la femme ne l'est pas. C'est une très belle indienne, visage fin ventre enceint, une fillette qui lui ressemble accrochée à ses jambes.
    Je me lève.
    L'homme, lui, reste debout. Grand, blanc bronzé, t-shirt modèle salle de muscu, petite moustache, il s'amuse avec la fillette en passant mon bras devant moi.
    Je souris.

    - Dis, quand t'était pas encore avec maman, t'avais une femme ?
    - Non.
    Court silence. La femme n'a pas bougé.
    - J'avais un chien.
    (sic)

    Anvers arrive déjà, il va falloir descendre.

  • … Et tout devint possible

    "La France est gouvernée par des tragédiens, des tragédiens de petits théâtres, sans engagements fixes" *

    Dans cette longue interview d'Eva Joly, on apprend que le grand Dominique de V., ce pur homme d'Etat, monnaie désormais ses services en lobbyiste au petit pied pour repeindre la façade corrompue de la Bulgarie auprès de Bruxelles.
    "La preuve que tout est à vendre", commente-t-elle.

    Heureusement, il subsiste une lueur d'espoir.
    Au détour d'une phrase, par exemple, on apprend qu'en 2007, il s'était ouvert 120 instructions pour délits financiers. Et en 2008 ? 26.
    Comme quoi c'est bien vrai, que le capitalisme français se moralise.

    * Georges Darien, Bas les cœurs, 1889.
    On en recause.

     

  • Tarification à la seconde

    film2.jpg

    Et dire qu'il y a un mois j'écrivais ça...

    « Le fond est arc-en-ciel, la police est sympa. »

    Ha ha !
    La police est peut-être sympa, mais les contrôleurs, eux, sont des enculés.
    Enfin, au moins mon nouvel ami, Matricule 29285.

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    Une seconde de perdue en station, etc. Certes. Mais Time is money, n'est-il pas, et on ne connaissait toujours pas le prix de cette fameuse seconde.
    Eh ben maintenant, je sais.

    Mais soyons factuels, ça vaudra mieux, des phrases courtes, et les faits, rien que l'effet. Un mot de trop sur une ligne = du retard sur toute l'histoire.

    Donc.
    20h34, porte de Clignancourt. Sur le réseau, un samedi peinard. Moi, je suis en retard.
    Je descends les marches j'entends le signal sonore annonçant le départ je fonce dans les escaliers monte in extremis dans le premier wagon. Il est plein.
    A Simplon je descends sur le quai pour changer de rame. Devant les premières portes, des petits groupes se forment (je comprendrai pourquoi plus tard). Je presse le pas, avise une porte où ne montent que deux personnes - un homme, une femme. Allons-y.

    Pause - En temps normal, la scène se déroule ainsi : je presse le pas, la femme monte dans le wagon, avance pour laisser monter d'autres gens, je rentre et zou, c'est la fête, le signal sonore retentit le petit lapin jaune sourit aux enfants et la chenille redémarre.
    Mais là, non.

    1. La femme s'arrête avant de monter dans la rame et monte au dernier moment.
    Jusque là pas de souci, mon cerveau bionique adapte instantanément rythme et trajectoire.
    Sauf que.
    2. La femme se plante à l'entrée et ne bouge plus. Une putain de Voyageur-planton©, il ne manquait plus que ça.
    J'enclenche mes freins, un peu tard - résultat : collision (très légère), excuses minimales de ma part et le talon de ma chaussure coincé dans la porte qui se referme.
    Une demi-seconde de perdue en station !

    C'est alors que je remarque la veste de la femme. Une veste vert-moche. Je viens de tomber sur une bande de dangereux contrôleurs.
    - Vous savez qu'il est interdit de monter pendant le signal sonore ?

    C'est là qu'il aurait fallu sortir le sourire de petit garçon, Je suis vraiment désolé madame mais j'ai rendez-vous avec une amie et, vous comprenez... etc.

    Mais essayez donc d'être poli-gentil-garçon quand dans votre cerveau secoué par la course tourne en boucle Et toi connasse tu n'es pas montée pendant le signal peut-être ? Et on ne t'a jamais dit qu'il fallait pousser son gros cul vers le fond pour laisser monter les voyageurs ?
    Bref. Je marmonne un truc. Et déclenche le signal d'alarme un bon vieux classique du phénomène de bande. Toute fierté dehors, un Homme vole au secours de sa collègue agressée, verbe haut et ton viril.

    - Vous avez un titre de transport à nous montrer, Monsieur ?

    Ça a dû se voir que je lui suggérais silencieusement d'aller se faire enculer. Et puis, il devait être très déçu que mon titre de transport soit en règle. Alors il a dégainé son arme secrète.

    - Dis-donc, Marco, c'est combien, Entrave à la circulation ?

    Il s'est marré, le Marco. Il s'est marré, puis il a ouvert son petit cahier. L'entrave, c'est 75.
    Ce qui, si on retient une demi-seconde de blocage, nous fait la seconde à 150 euros.

    Et hop.

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    A ce prix là, je me permets juste quelques suggestions de bon sens à la RATP :

    - Investir dans un bon réseau de caméras de surveillance (il n'y a pas d'argent, nous dit-on, mais pour les caméras de surveillance on en trouve toujours ; c'est ça, le sens de l'histoire des priorités) ; ça permettrait de choper tous ces infâmes entraveurs qui occasionnent du retard sur toutes les lignes. Dans l'idéal, on détecterait la puce de leur pass Navigo et on prélèverait les amendes directement sur leur compte.

    - Sévir, enfin. Je pense à ce petit salaud hier qui a bloqué les portes parce que sa femme courait moins vite que lui. En toute impunité.

    - Faire le ménage en interne. Il serait temps de mettre à pied ce chauffeur qui l'autre jour a patienté 2 (deux!) secondes en station pour laisser monter une femme qu'il avait vue courir vers lui.

     

     

  • Take care

    Un trait d'esprit, c'est la mort d'une idée, disait Alain.
    Souvent juste.
    Mais parfois.

    "Take care to get what you like or you will be forced to like what you get."
    (G.B. Shaw)


    Exercice 1 : go and get it

    Exercice 2 : remplacez "get" par "do" dans la phrase ci-dessus. repensez à vos quinze/vingt ans. salut.

    Exercice 3 (level pro) : rapprochez cette joviale citation de ce leitmotiv de C. Delaume : "s'émanciper de la fiction collective"

  • Small Torino

    Avant d'arriver à la Maison de Disques où travaille la jeunesse branchée, il y a un Passage.
    Pas le genre de nirvana bucolique où le flâneur hume la douce odeur de fleurs luxuriantes sous le regard suspicieux du copropriétaire de garde. Pas non plus le coupe-gorge abandonné qui sent la pisse de chien et le mauvais polar, cela dit. Dans le Passage qui mène de la Porte à la Maison, on trouve un squatt, quelques façades joliment retapées, une poubelle renversée, un arbuste un peu triste d'être tout seul et des rires qui s'échappent d'une fenêtre.

    Le Passage, c'est aussi le lieu idéal pour des collégiens, qui viennent fumer en cachette, engraisser McDo et taper la discute.
    Taper la discute et taper des gens, ce n'est pas pareil, mais quand les jeunes sont noirs comme des blousons, allez savoir, certains ne voient pas la différence.
    Ainsi cette jeune dame qui attendait tout à l'heure, à l'autre bout côté Porte. Avisant une bande-de-jeunes (six, au moins) au milieu du passage, elle attendait terrorisée, et décidait d'appeler la police la Maison de Disques pour savoir s'il n'y aurait pas par hasard un autre passage chemin.

    Peut-être m'a-t-elle pris pour un héros quand j'ai traversé le Passage. Non seulement je suis arrivé sain et sauf, mais aussi (d'où tiens-je donc cette aura chamanique ?), les Jeunes s'étaient poliment écartés pour me laisser passer, trois à gauche, trois à droite, j'ai failli leur demander de faire une ola.
    Tandis que j'arrivais à hauteur de la jeune dame blanche, une vieille femme noire à la mine renfrognée s'est engagée d'un pas résolu dans le Passage. Elle avait l'air d'une autochtone qui sait ce qu'elle fait et qu'on n'a pas intérêt à emmerder. Alors, lâchant son téléphone, Blanchette a pris son courage à deux mains et s'est engagée à son tour.
    Je n'ai pas vu la suite, le métro allait partir et une seconde de perd*... Bref.
    Aux dernières nouvelles, elle aurait réussi à passer.

    * on en reparle bientôt, tiens. Le temps que je.