Où l'on est légèrement en retard sur l'Actualité
(et où, en même temps, on s'en fout)
(parce que dans quelques jours on sait bien qu'elle repassera)
Léa était une jeune fille moderne. Mais elle était bien embêtée : ses friends ne commentaient plus trop sur son wall, et elle en avait marre de passer ses soirées toute seule. Elle se connecta, un peu par réflexe, et soudain l'info apparut. Le surlendemain, c'était l'anniversaire de Delphine.
Mince alors ! Elle avait complètement oublié Delphine. Heureusement, Léa avait encore des réflexes IRL. Elle appela quelques copines pour organiser une fête surprise. Restait à trouver un cadeau. Un truc collectif ? Compliqué. Mais un livre, pourquoi pas. Delphine ne le lirait pasplus que le précédent, mais ça fait toujours plaisir. D'ailleurs, Léa avait sur son étagère plusieurs livres jamais ouverts qui n'attendaient que d'être recouverts de papier-cadeau. Emballé!
La soirée fut une réussite. Les copines étaient là, les garçons aussi, sapés comme des princes. Le lendemain Delphine aurait son appart à ranger mais Léa s'en foutait, elle avait trouvé deux mecs à ajouter en friends et elle serait au chaud devant son ordi.
***
Michèle était une ministre moderne. Mais elle était bien embêtée : depuis deux semaines elle n'avait pas fait la une des journaux.
Elle y pensait, justement, quand l'un de ses conseillers frappa à son bureau, un journal à la main : "Michèle, la semaine prochaine c'est la Journée Internationale de la lutte contre Machin [insère ici la Grande Cause de ton choix], qu'est-ce qu'on fait ?"
Mince alors ! Elle avait totalement oublié Machin. Heureusement, c'était une ministre aguerrie. Par réflexe elle convoqua une conférence de presse. Restait à trouver quoi offrir aux journaux. La création d'un numéro vert, peut-être ? C'était compliqué. Ou alors, une loi. Mais oui, une loi, ça c'était une riche idée ! Facile à annoncer, on ne s'en servait jamais après vu que la dernière n'était pas encore appliquée, mais ça faisait toujours plaisir. Et puis, il devait bien y en avoir dans les cartons du Ministère. Par chance elle en trouva une : on l'avait préparée à l'occasion d'un précédent fait d'hiver, mais comme le même jour les marchés financiers avaient glissé sur une bulle, on l'avait remballée.
La conférence de presse fut un succès, les copains étaient là, il y avait même François, qui annonça que Machin serait érigé Grande Cause de l'année. Le lendemain, il faudrait bien passer à l'Assemblée, mais ça on s'en foutait, les journalistes ne seraient plus là.
Jusque là, il faut bien le dire, Stockholm me faisait un peu la gueule. Mais à 16h30, changement de décor : fini le lent et déprimant crépuscule, cette fois la nuit est bien là, et Stockholm s'allume. La ville ne me sourit pas encore mais on s'apprivoise, ses façades me lancent des clins d'œil accueillants - jamais je n'ai vu une ville changer de visage aussi vite de quartier en quartier.
A l'étage en mezzanine, bonbons et champomy sont de sortie : une jeune artiste expose ici pendant un mois, ce soir elle inaugure. En touriste, je monte. Les dessins de 
Pourtant on en avait vraiment besoin de ce fric, il suffisait d'un tout petit coup de pouce et hop, elle serait restée...
Bon, on peut rigoler sur les derniers Prix de Flore, mais au départ, quand même... Jaenada, Houellebecq, Ravalec, Despentes - la liste presque exhaustive des auteurs qui me donnent envie de prendre un crayon chaque fois que je les lis. Il manque un seul nom à cette liste : Iegor Gran. Ipso Facto était un bijou d'absurde et d'humour noir, ONG! idem. Avec l'art de la construction, le rythme léger de la narration et la finesse de l'ironie en passant.