"Je suis l’Envoyé spécial, l’Ambassadeur officiel des Dominants
dans le monde fascinant de la Télévision Populaire." (Hors jeu, p. 53)
Endemol est passé ici, cette semaine.
Vous ne l’avez sans doute pas aperçu, il est juste venu déposer un petit spam tout merdeux, avec des fotes d’ortograf qui tachent, pour me fourguer l’adresse d’un site promouvant le jeu « Bimbos et intellos » - ce jeu si prometteur dont je parlais ici naguère.
Curieux, j’ai mené ma petite enquête. Et j’ai fini par tomber sur ce bout de blog, à la fois passionnante plongée dans le petit milieu de la télé (des deux côtés de l’écran) et parfait résumé de ce que peut offrir Internet 2.0 (TM).
Bon, j’imagine que vous travaillez et que vous n’avez sans doute pas le temps de vous farcir les quelque 400 commentaires de cette note, alors je vais vous raconter un peu.
(Asseyez-vous tranquillement, je n’ai pas le temps de faire court, hop, on y va)
Le 20 février, Julien F. raconte sur son blog qu’Endemol l’a contacté pour le casting d’un remake français de "The beauty and the Geek" - Bimbos et Intellos, donc. Julien est tenté, il se saoulerait bien au champ avec des bombasses (sic), mais d’un autre côté il mesure les risques à participer à une telle émission. Passer pour un con ou passer chez Cauet (oui, il y a une nuance), par exemple.
Rien ou presque ne se passe pendant deux semaines, mais le 4 mars, soudain… Un candidat du jeu, répondant au doux nom de Cellobrutos, vient poster un commentaire. Il raconte quelques dessous du casting (le bordel ambiant, surtout). Le 8 mars, un autre candidat vient mettre son grain de poivre et étale ses doutes ("après tout, j’ai une copine", c'est ballot).
Et c'est parti.
Petit à petit, le tranquille blog de Julien se transforme en vaste forum où se rejoignent futurs candidats (et candidates), cyberbadauds ébaubis et contempteurs de la télé-réalité. Les commentaires se comptent maintenant en dizaines, le dialogue s’installe et, magie du 2.0, l’information se précise !
Alors que la date fatidique du tournage se rapproche, on finit (entre autres) par comprendre que :
- l’émission dispose d’un tout petit budget (en fait Endemol concentre ses moyens sur le futur Loft Story de TF1)
- l’animateur est bidon (l’ancien « incroyable fiancé », pour ceux qui suivent)
- l’horaire de diffusion sera tardif (et pan pour les rêves de gloire)
- les teasers du programme sont déjà prêts : on y présente le jeu, en gros, comme la rencontre entre des mecs coincés pas beaux et des filles assez bonnes mais très connes.
A partir du 20 mars le forum devient un véritable feuilleton. Une candidate étale ses doutes, et de tous côtés des commentateurs anonymes viennent jouer au Milou blanc (nivapacédésalos !) ou au Milou rouge (vazicékool) – on se demande d'ailleurs si parmi ces derniers ne se cacheraient pas des chiens d’Endemol chargés de ramener les brebis vers la prod.
Finalement, la candidate renoncera - et un autre avec elle. En lisant, j’imaginais avec délectation les cheveux blancs des juniors d’Endemol balancés sur cette émission de troisième division, obligés de trouver en catastrophe des candidats et de confisquer le passeport des premiers pigeons (véridique) pour décourager les fuites.
Tout se calme fin mars, le temps du tournage de l’émission. Mais mi-avril, à leur retour, tout repart !
Malheureusement, on le sait bien, les moments de grâce ne se retrouvent jamais, et la suite est décevante. Les langues se délient mais elles ont en bois - on apprend surtout que les candidats ont vécu "une merveilleuse aventure", etc.
(cela dit, je les crois volontiers : deux semaines de colo en Tunisie avec des moniteurs résolus à arranger des plans cul avec des nanas bien gaulées, franchement, s’il n’y avait pas les caméras on s’en voudrait de refuser.)
Puis quelques squatteurs viennent balancer des vannes douteuses, et le forum part en couille malgré la bonne volonté de Julien qui fait son stage de modérateur. Après 400 commentaires, tout se tasse, la vie reprend son cours.
Entre temps, toutefois, on aura glané quelques infos. Que les candidats devront payer 20 000 euros s’ils révèlent le nom du vainqueur avant la diffusion du dernier épisode, par exemple. Ou qu’une couverture d’Entrevue, pour une petite minette qui rêve de gloire avec sa bouche en cœur et ses seins en poire, se négocie entre 2000 et 4000 €.
Fin du voyage, donc. Au fond le web 2.0, c’est comme dans la vie : vous allez dans une soirée chez un type sympa que vous ne connaissez pas, vous commencez à discuter avec vos voisins, la sauce prend bien, ça rigole, ça remet une tournée, la discussion s’emballe et d’autres gens viennent attirés par les rires… jusqu’à ce que deux ou trois relous un peu bourrés viennent casser l’ambiance. Mais entre temps quand même, on s’est bien amusé.
(Et dire qu’avec ça on n’a toujours pas parlé de mon projet, Working girls & Chippendales.
On va bien rire, cet été.)
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PS : au passage on apprend aussi que, lors du casting, les candidat(e)s ont passé une épreuve de culture G (G comme « générale », petit pervers, va).
Parmi les questions, j’ai retenu celles-ci (je jure que je n’invente rien) :
- Comment est morte Marie-Antoinette ?
- Citez-moi les 7 continents
- François Bayrou est-il de droite ou de gauche ?
Franchement, à La Cible, il n’y avait pas de questions aussi compliquées.