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Second Flore - Page 42

  • L'élite, encore

    Quand ils entrent dans la Grand Ecole, les étudiants sont accueillis dans le Grand Amphi par de Grands Anciens, professeurs émérites ou Grands Patrons venus tout exprès pour flatter leur ego en chantier et leur donner à l'envi du Vous êtes l'élite de la nation.
    Dans la salle, ça rigole doucement. On se regarde, t-shirt et gueule le bois, on voit bien qu'on n'a pas trop la gueule de l'emploi. Et puis on sent bien que c'est assez con, cette histoire d'élite.

    Trois ans plus tard, d'autres Grands Patrons viennent saluer la promotion qui s'en va. Ils tiennent le même discours, mais sous la toque, dans certains rangs, ça ricane moins.
    Que s'est-il donc passé entre-temps ? Pas grand'chose, pourtant. Des soirées, du sport, des campagnes BDE et quelques cours au milieu, des mecs qu'en ont et des filles qui en cherchent, de la bagatelle et parfois de la belle - rien qui te façonne une élite.
    C'est qu'elle ne se façonne pas, l'élite à la française. Elle se reproduit. Le mécanisme est tout simple. Après deux ans de glande, l'étudiant insouciant devient sérieux pour sa troisième année. Il prend un peu de plomb dans le crâne, fait son stage sérieusement, en avril il revient pour boire à nouveau au bon temps déjà révolu - et soudain une cravate qui se noue, un masque qui tombe, et surprise! sous le masque, c'est Papa qui sort de l'Ecole.
    Et c'est (re)parti.

    PS1 : oui j'exagère. Oui et non. Sur 400 élèves d'une promotion, tu m'en trouveras 250 qui ne correspondent pas à ce modèle - des gens normaux, des gens bien. Mais sur les 150 qui restent, regarde bien, il y a ton patron. Ou son patron. Ou son éminence grise. Leurs enfants feront une Grande Ecole.
    PS2 : (j'ai dit que c'était mal, d'être patron ? ben non.)

    PS3 : Jean-Louis, tu te souviens des applaudissements qui ont coupé ton beau discours sur l'Elite alors que tu n'avais pas fini ? C'était tellement bon, de voir toute la salle embrayer. Salutations.

  • L'élite

    10307-medium.jpgIl est parfois des livres dont on se dit qu'on aurait pu les écrire.
    J'ai fait HEC et je m'en excuse, par exemple.
    Le livre de Florence Noiville ne fait que 100 pages, j'aurais pu en écrire plus... Mais t'avais qu'à le faire, mon grand, me disait une petite voix pendant que je lisais.
    Elle avait raison, la petite voix. Et puis, j'étais quand même d'accord à peu près sur tout le livre. Alors autant donner la parole à son auteur. Le début est un peu cliché, mais au fond...

    "Longtemps j'ai pensé qu'il était absurde de passer toute une vie à se battre, à quelque niveau que ce soit, pour qu'un produit A grignote des parts de marché sur son concurrent B. J'avais sûrement tort. Pourtant n'était-ce pas, là encore, un formidable gâchis de cerveaux ? HEC ne fonctionnait-il pas comme un énorme "aspirateur de talents" se nourrissant des meilleurs pour recracher au bout du compte  - et sous l'étiquette d'élite économique et financière - des dirigeants âpres au gain, relativement inutiles à la société et, pour beaucoup, privés d'états d'âme ?"

    Inutiles, ça oui. Sans états d'âme, je ne suis pas d'accord. D'abord parce que beaucoup pensent sincèrement agir du côté clair de la Force, (que certains le font, d'ailleurs), et que les autres subissent autant qu'ils agissent. D'ailleurs F. Noiville tempère, un peu plus loin, en évoquant son stage chez les philanthropes de Philip Morris.

    "Je suis sidérée par la manière dont on peut , dans la vie professionnelle, être soi et quelqu'un d'autre. Agir et se regarder agir (...)"

    Elle est là, la clé. Dans le jeu qu'on accepte tous plus ou moins.
    Narcissisme des dirigeants, schizophrénie des hamsters d'élite qui font tourner la roue.

    Allez hop, on y retourne. On en recause.

  • Brightness

    19096442.jpgUne magnifique direction de la photographie et presque pas un cliché.
    La fougue dans l'effleurement.
    L'intelligence et la passion.
    Mais tout a été dit et...

    Not a word, he said.

    The feel of not to feel it,
    When there is none to heal it
    Nor numbed sense to steel it,
    Was never said in rhyme.

  • J'ai dit les yeux

    La Gouttière était pleine et elle était à un mètre. Je n'ai pas vu son visage au départ, il était masqué par le décolleté onirique d'un pull en laine qui souriait au triste sire qui lui faisait face - une sorte de geek en sweat mou. Au second coup d'œil j'ai visé plus haut et je l'ai trouvée commune. Pourtant, il y avait bien quelque chose qui...
    - C'est à toi de couper, m'a dit mon voisin de droite.

    Cinq coups d'œil plus tard j'ai compris. C'était saisissant. Elle avait le visage Natalie Portman et les pommettes de Claire Nebout et des seins bien à elle. Comment tout cela réuni pouvait-il donner cette impression si commune ?
    - Quatre-vingt pique.
    La réponse était dans les yeux. Evidemment. Ils étaient éteints. Pas la moindre flamme, rien qui brille. Deux fois je lui ai surpris une moue ménagère qui semblait dire Non mais ça c'était sûr, tu vois, je l'avais bien prévenu pourtant, etc. Voilà qui pouvait expliquer pourquoi la baguette magique était tombée à côté. Et puis, quand même... Un instant j'ai pensé qu'il fallait absolument que j'éclaircisse le mystère, que je craque une allumette pour voir ce qui se passerait, mais à côté de moi un impétueux venait de monter à 120 cœur et je ne pouvais pas laisser passer ça sans coincher.

    Quand à côté ils ont fini leur bière, j'ai pensé à Natalie. Qui sait, si elle n'avait pas été touchée par une baguette magique, peut-être qu'elle aurait-elle été tranquille à la Gouttière, à se reposer elle aussi d'une journée de boulot un peu fatigante.

    Puis le geek et la fausse Claire Nebout se sont levés, en partant il a dit un truc tout bête et elle s'est mise à rire, pas très fort, mais elle riait des yeux, enfin, et ça couvrait le brouhaha ambiant. Alors en regardant mon verre à moitié plein, j'ai pensé au geek en veille qui cette nuit dormirait avec Natalie Portman. Petit salaud. Et comme j'avais la belote, je suis monté à 100 carreau.

  • Tiens! Salut Tristesse

    Puisqu'on est dans la grande littérature, restons-y. Ce week-end, par hasard, je suis tombé sur Sacha Sperling. Qui ? M'enfin... L'auteur ado de la promo 2009 (il en faut toujours un, Saint-Germain se nourrit de chair fraîche), le 500e "nouveau Bonjour tristesse" (Frédéric B. dixit) depuis 1954, le nouvel espoir de la littérature !

    J'en vois certains qui disent qu'on s'en fout. A eux je dis que oui évidemment - je les salue et les renvoie vers le meilleur article (vraiment) publié sur le sujet par un-type-qui-l'a-pas-lu :
    La littérature avec circonstances atténuantes, c'est ici.

    Mais il est aussi des esprits chagrins scientifiques qui ne se satisfont pas des a priori. Qui disent que pour critiquer il faut avoir lu. Et c'est vrai, du temps où son auteur passait en boucle blonde à la télé j'avais assez envie de dire du mal de ce livre. Alors, pour ne plus me réfréner, quand je suis tombé dessus je l'ai pris, je l'ai ouvert. Allez, c'est parti.

    D'abord soyons honnêtes : Mes illusions donnent sur la cour, c'est un bon titre.
    Ensuite analysons nos préjugés : je flairais la pâle imitation du pire B.E. Ellis (voir le milieu de Bubble Gum, de Lolita Pille), 5 marques par page, du nombril partout, de la drogue et des phrases choc à la fin de paragraphe creux.

    Eh ben, soyons honnête jusqu'au bout : j'avais tort. Oui Monsieur, je le confesse. Et je m'explique.
    1. Le livre n'est pas si mal écrit, je me suis dit en plongeant dans mon bain. Vraiment. Evidemment, on peut trouver des skyblogs écrits aussi bien, mais on pourrait dire ça aussi de 95% de la production adulte. Et surtout, il évite le pire - l'imitation. Je dirai même qu'on sent quelque chose dans les premières pages (mais bien mons que dans le prologue de Hell).
    2. Restait le plus difficile quand on passe du skyblog au roman : construire le récit, raconter une histoire et tenir la longueur.
    Bon. Pour la construction, c'est assez simple : vous prenez tout droit, vers le bas, ne changez surtout pas de rythme et hop, vous arriverez au bout. Pour l'histoire, c'est celle d'un ado Coca light qui se laisse entraîner dans la spirale du mal-être par un jeune kronenbourg qui l'initie à plein de choses, dont la coke pas light.

    cb6d2dd.jpgJ'en vois là qui ricanent - encore un bouquin inutile où on n'apprend rien, diront-ils.
    Et là, je dis non. Le temps d'un (long) bain, j'ai appris plein de choses : que les ados ne sont pas tous bien dans leur peau, qu'ils sont impressionnés par les mecs cools un peu plus âgés, que les parents trop (riches et) cools c'est pas forcément l'idéal, qu'on s'emmerde quand même un peu quand on a 14 ans, que les filles mettent un peu trop de parfum pour leur tout premier rendez-vous, que les jeunes (riches) d'aujourd'hui font des trucs que nous on n'aurait pas faits, que les joints et la cocaïne sont pas si inoffensifs que ça, qu'on s'emmerde vraiment quand on a 15 ans et que la vie, franchement, ça n'a pas beaucoup d'intérêt.
    Du coup, ben faut pas s'étonner que quand les ados écrivent des livres sur leur vie, ça n'a pas beaucoup d'intérêt.

    Mais on ne peut pas leur en vouloir. On peut juste se demander si les adultes qui les promeuvent (entre ici Ali Badou, regarde-moi dans les yeux comme tu l'as fait en septembre et dis-moi que c'est le nouveau souffle de la littérature) ne sont pas aussi irresponsables que les parents des gosses de riches du XVIe.
    Là on me dira que non, ils savent très bien ce qu'ils font. Et on aura raison.
    Voilà.


    (PS - qu'on considère que ce billet me donne le droit de parler du prochain écrivain-ado-newgeneration-j'ai16ansetjevaisaubaron sans l'avoir lu. merci.)

  • A la ligne

    Elle s'est assise à côté de moi dans le carré, a sorti un livre et s'est plongée dedans. Je n'ai pas eu le temps de voir le titre, mais j'ai aperçu le début de son chapitre :

    "L'homme était accroupi.
    A droite du lit.
    (...)"

    Outre la puissance du texte, ce sont ces savants sauts de ligne qui m'ont mis la puce à l'oeil. Je me suis dit que ça ne pouvait être qu'un roman français. J'ai regardé une autre fois - qui sait, au hasard d'une ligne je choperais peut-être un prénom, genre Michael ou Travis, qui infirmerait mon intuition. J'aurais pu demander simplement à la lectrice mais elle n'avait pas l'air sympathique du tout le jeu était plus amusant sans. De coup d'oeil en coup d'oeil, je chopais des indices : un prénom, une expression. L'intuition se confirmait.
    Quand je me suis levé, j'ai fini par choper un bout du titre. "Les hommes cruels ne courent pas les rues", de Katherine Pancol.
    Gagné.

  • Ident*té nat*onale

    identite-nationale-L-3.jpegPorte de Clignancourt, 20h30. Station calme. Dans les escaliers, je devine que le quai est vide (les animaux de la forêt savent bien quand un métro vient de leur passer sous le nez).
    A côté de moi descendent deux hommes. L'un a le type indien, l'autre maghrébin. 40 ans environ, ils parlent comme deux collègues qui ont fini leur journée.
    Arrivé sur le quai, le panneau lumineux confirme mon intuition : 4 minutes d'attente. Pas si pire, murumure en québécois une voix intérieure. Mais les deux gars ne l'entendent pas ainsi.
    - 4 minutes, merde alors, qu'est-ce qui foutent ?
    - Quelle bande de branleurs, la ratp
    - C'est bien vrai, ça. La semaine dernière c'était la grève, et maintenant...

    Et maintenant ils sont assis et continuent leur conversation.
    La voilà donc, l'identité nationale : un indien et un maghrébin se plaisant à râler comme deux gros cons de français.
    Veuillez recevoir, M. Besson, mon unique contribution.

  • Coming soon... Rambaud III

    9782246752318.jpgJe n'avais pas lu la Première chronique du règne de Nicolas Ier. J'en avais ma claque de l'antisarkozysme de salon, aussi contre-productif que naguère l'antilepénisme, avec en plus l'insupportable sourire satisfait de celui (rarement celle) qui après une saillie vite torchée semblait persuadé d'avoir fait œuvre d'impertinence (j'ai appelé le président "le nain", whaouh, bravo) et regardait à droite et à gauche pour recueillir les bravos, genre « Regardez ce que je lui ai mis dans la gueule, au sarko ». Et c'était presque aussi insupportable à l'écrit qu'à l'oral.
    Autant dire que je n'étais pas très chaud pour m'en taper 200 pages.

    Pourtant, quand par la magie de Noël la Deuxième chronique m'est tombée dans les mains, je l'ai quand même ouverte avec espoir. Après tout, le grand style et le recul historique, c'était peut-être ce qu'il y avait de mieux pour démonter le système en place et la pathologie narcissique.
    Verdict ? C'est en effet ce qu'il y a de mieux.
    Parce que quand Pujadas regarde le doigt, Rambaud montre la lune derrière les fumigènes. Et on voit bien qu'elle tourne en rond. Avec des ficelles vieilles comme la politique, le ridicule en sus. De la Politique de civilisation (RIP) aux Jeux de Pékin en passant par Khadafi et Carla Bruni, toute l'année 2008 tient en 170 pages.
    Atout n°1 du livre : le plaisir d'écrire de l'auteur. Le pastiche des chroniques Grand Siècle est parfait, sans jamais verser dans le pamphlet.
    Atout n°2 : sa simplicité, cruelle parce que factuelle. "La perspective écrase", disent les commentateurs du Tour de France. Ben, là aussi.
    Atout n°3 : Notre Stupéfiant Souverain n'est pas la seule cible de Rambaud ; toute la cour participe joyeusement à la fête - le baron Bertrand, le chevalier Guaino, le Prince Jean (déjà)...

    La farce est si réussie que quand on découvre sur la 4e de couverture que (je cite in extenso) Patrick Rambaud est l'auteur d'une œuvre romanesque importante, on se demande à quel degré il faut lire la phrase. Je me demande surtout qui l'a écrite.

    On verra bientôt si la phrase est reproduite au dos de la Troisième chronique. Elle sort demain 6 janvier. Comme dirait Saint-Simon : chouette.