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Second Flore - Page 45

  • Iegor est Gran

    9782846823296.jpgBon, on peut rigoler sur les derniers Prix de Flore, mais au départ, quand même... Jaenada, Houellebecq, Ravalec, Despentes - la liste presque exhaustive des auteurs qui me donnent envie de prendre un crayon chaque fois que je les lis. Il manque un seul nom à cette liste : Iegor Gran. Ipso Facto était un bijou d'absurde et d'humour noir, ONG! idem. Avec l'art de la construction, le rythme léger de la narration et la finesse de l'ironie en passant.
    Malheureusement, l'effet magique ne marche pas à chaque fois (sur moi en tout cas) - je n'avais pas fini Acné Festival et Les trois vies de Lucie.
    Mais avec Thriller, la grâce est revenue.

    Je vous fais l'histoire en très bref. Elle tourne autour de Norman -  professeur à Berkeley, homme gauche et de gauche à la recherche de l'équation de l'économie sociale. Un soir à dîner, un collègue malveillant révèle que Norman a volé le portefeuille... d'un clochard. Stupeur ! De fil en aiguille, on en vient à soupçonner le distrait professeur d'avoir occis une blonde dans un parc. Les ingrédients sont réunis pour un thriller domestique, avec un roman à six voix : Norman, sa femme Suzanne (parfaite) qui le trompe avec un doyen falot, un fils qui pirate les caméras de surveillance de la fac, le collègue malveillant, et un mystérieux psychopathe de l'ombre.
    Evidemment, Gran s'en fout, d'écrire un thriller, il en retient simplement quelques éléments de construction, et le rythme en crescendo. Et c'est vrai que plus on avance, plus c'est bon.
    J'avais déjà connu ça avec Ipso facto : tout en lisant avec le sourire en coin, je me retrouve à savourer comme un étudiant en cinéma qui regarderait un Fellini et se dirait que quand même, putain, il est fort, sur un plan apparemment anodin. C'est qu'une farce en littérature, c'est aussi difficile à réussir qu'une comédie au cinéma (n'est-ce pas, Yann M). Et la finesse avec le sourire, ça n'a pas de prix.

    Reste que Thriller, sorti en cette rentrée, n'était pas sur la liste des prix. Mais bon, ne râlons pas, on sait bien que le mérite n'a pas grand'chose à voir là-dedans. Que Gran mérite ou non un prix, on s'en fout. La vérité, c'est que les prixlittérairesTM ne méritent pas Iegor Gran.

     

  • Défloré

    "Hey pdf, t'as vu, hier c'était le Prix de Flore.
    - Ah?
    - Paraît que c'était génial, y'avait tout Paris, avec des apparitions d'anthologie!
    - Ah.
    - Attends, mais... T'y étais pas ??
    - Ben non, j'étais avec des africains du BTP et un plongeur du Buci, je leur apprenais à lire.
    - Putain, qu'est-ce que t'es snob.
    - Bah... On s'y retrouve l'année prochaine ?
    - Gros snob.

  • Le baobab de Stanley

    Couv.+Le+Baobab+de+Stanleybd.jpgJe ne suis jamais allé en Afrique. Du moins, jamais en Afrique noire. J'ai lu des romans, de locaux ou de voyageurs (Boyd, Kourouma, Ravalec), vu des images, entendu plein d'histoires. Juste de quoi confirmer qu'aller en Afrique n'aurait rien à voir avec n'importe quel autre voyage.
    Un jour, on m'a proposé de suivre une tournée en Afrique. D'en faire le scribe. Ce n'était pas vraiment une proposition, plutôt une de ces belles idées de fin de soirée. J'aurais dû sauter sur l'occasion, mais elle venait un poil trop tôt - et puis c'est con, c'est très con, mais il restait ce fond de crainte (d'être déçu? d'autre chose?), alors j'ai hésité une seconde, et hop! l'idée s'est envolée. Provisoirement, j'espère.

    Je n'étais jamais allé en Afrique, donc, mais j'en reviens tout juste.

    Je suis parti avec Guillaume Jan, sur les recommandations d'un autre grand voyageur. Le baobab de Stanley commence, j'imagine, comme beaucoup de récits de voyage : un type se fait plaquer, il a du temps devant lui, pas de projets précis, alors il décide de partir loin, le plus loin possible - et le plus loin, c'est la lettre Z.
    Zanzibar, donc. Puis la continent, la Tanzanie, et le chemin de l'Ouest - celui de Stanley en 1877, quand il a découvert le fleuve Congo. Guillaume Jan voyage, au sens pur du terme. Au gré de ses finances et des possibilités de transport Jusqu'à Boma (Congo), sur l'Atlantique. C'est dans ses chaussures qu'on découvre l'Afrique - celle des bus, des barges, du made in China dans les cases au bord du fleuve, des motos qui vous font taxi et que vous vous retrouvez à pousser sur des kilomètres.

    Le voyage est long, le livre est court, les deux sont riches. Les élans de romantisme voyageur sont vite stoppés par une piqûre de moustique. L'auteur est trop fin pour ça. (Pratique, la finesse, pour s'effacer derrière son texte.)
    Le baobab de Stanley, c'est l'Afrique par petites touches, et chacune qui fait mouche.
    Bon voyage.

  • Et dire qu'il était là,

    à portée de main - à portée de doigt, même, il aurait suffi de cliquer sur l'icône qui me disait que des connexions à distance avaient été repérées par mon ordinateur et hop, le Quotidien serait entré là, il me poursuivait jusqu'au bout du monde mais pour une fois j'ai été fort. A la porte, il est resté (et au pub). Du papier, les mouettes, la mer et word, c'est quand même autre chose que firefox, procrastination et trucs à la con.
    Reste à trouver la martingale pour faire pareil à Paris.
    Ceci dit pour mémoire.

    Sinon cherchez plus, le peuple, il est dans La Voix du Nord.

  • Pop

    C'est peut-être parce que je revenais de quelques heures dans l'Afrique du XIXe (arrondissement), à lire Metro avec des ouvriers du BTP, que ça m'a frappé.
    Sur mon magnéto, une image d'archives. Les années 60, une émission littéraire. On y voit Pierre Dumayet, dans un champ, interrogeant un paysan à qui il avait fait lire Madame Bovary. Et le type d'expliquer que oui c'était long, quand même, tous ces détails, mais que quand même, dans la première partie, etc.
    Ce qui m'a frappé, surtout, c'était la simplicité de l'échange, et ce journaliste qui semblait avoir un respect équitablement partagé entre le livre et l'homme au fort accent à ses côtés.

    Alors je me suis demandé qui, aujourd'hui, pourrait faire la même chose. Pas forcément à propos de littérature - disons, à propos de n'importe quoi. Quand l'animateur d'aujourd'hui interroge un brave type (paysan ou non), que se passe-t-il ?

    1. L'animateur se fout de ce que raconte le brave type. L'important n'est pas ce qu'il dit mais comment il le dit, et surtout on coupe - c'est le show, coco, de toute façon la question suivante est déjà sur la fiche, faut avancer, le flow et le flux.

    2. le micro-trottoir (l'abc du journalisme moderne dans le Grand Supermarché : un panel d'étude conso)

    3. Le chroniqueur interroge le brave type avec déjà dans la joue ce second degré qui est la deuxième nature des gens bien nés, il est prêt à écouter la réponse mais quelle qu'elle soit il sait qu'il va la détourner - à son profit. Autre dispositif, même conclusion : la distance, le mépris, et le filtre.

    Bref, je me disais ça, et j'ai pensé que sans doute j'exagérais, j'ai d'abord effacé ce qui précède, cherché des contre-exemples...
    ... Et finalement reste cette question, toute nue :

    Hormis les jeux ou les merdouilles tire-larmes, où est le peuple dans les médias aujourd'hui ?

    Vous avez quatre heures. Prenez votre temps.

  • Horizons

    Un ami un peu vindicatif me disait que s'il croisait Jean ou Nicolas S. il leur mettrait une bonne droite.
    Mouais.
    Une bonne gauche serait mieux, quand même.
    On peut rêver.

    (Ou s'échapper. J'étais en Afrique avec Guillaume Jan, je repars au Sri Lanka avec Emmanuel Carrère. Qui a dit que le roman français descendait à St Germain ?)

  • Ne rentre pas trop tard (3)

    Laisser un livre en plan ne m'a jamais dérangé. Alors, quand il s'agit d'en descendre une pile pour en chroniquer éventuellement un ou deux, autant dire que le crédit-page s'amenuise...
    Sur une bonne dizaine de livres français de cette RentréeTM, j'en ai terminé quatre. Ça paraît peu, comme ça. C'est peut-être beaucoup, finalement.
    Bref, les voici - pas grand chose parce que je suis un gros flemmard, mais quand même, parce que peut-être un jour, sur le long chemin qui parfois mène un lecteur à un livre, cette note aura été petit caillou.

    François Bon - L'incendie du Hilton
    L'incendie, c'est le point de départ - le départ précipité des chambres du Hilton où sont logés les auteurs du Salon du livre de Montréal. L'occasion notamment pour F. Bon d'évoquer sa façon de découvrir la ville, en piéton, un plan de ville dans la tête plus que dans la main. Etonnamment proche de mes habitudes, finalement. Le livre est reparti à Montréal, un de ces jours on parlera de la ville, j'en mettrai ici un extrait.

    Vincent Wackenheim - La revanche des otaries
    Une Arche de Noé moderne, et des DinoZores qui débarquent sans papiers. On tente de s'organiser, entre partouze de fin du monde et politiquement correct. Plus rigolo à lire que L'Etat du monde 2009, et sûrement pas plus faux.

    Stéphane Velut - Cadence
    Un artiste allemand accepte une commande nazie, s'enferme chez lui et tente de retourner l'œuvre contre le système. A la première page, j'ai cru reconnaître ce que je n'aime pas dans le roman français, quand il tourne à l'exercice de style. A enfermer l'histoire dans une chambre sombre, on étouffe vite le lecteur. Et puis, contrairement à d'autres dans le même cas, je suis allé au bout. C'est déjà beaucoup.

    David Foenkinos - La délicatesse
    Il avait un peu le syndrome AC/DC, David Foenkinos. Depuis des années, à chaque roman qu'il sortait, on disait « son meilleur depuis Le potentiel érotique de ma femme », et puis on l'oubliait. Ça ne lui arrivera peut-être plus : celui-là est sans doute meilleur - il réussit à aller plus en profondeur sans altérer la légèreté de l'ensemble. Il est sur la liste de tous les prix, paraît-il. Ah. Je maintiens quand même (j'en vois qui rient au fond) que c'était très agréable de le lire, sur un banc au soleil.

    Mais je n'ai pas lu Yannick Haenel, Vincent Message, Estelle Nollet, Sorj Chalandon, Antoine Laurain... Et tout plein d'autres. Depuis je suis retourné à des livres sortis bien avant. Et des bons.
    Laissons le flux passer, et allons nous coucher, veux-tu ?

  • Où l'on ne parlera pas de l'état de la France

    « Le rôle de l'écrivain n'est pas seulement de critiquer, mais aussi de dépeindre ces instants de vie, tous ces détails de la vie quotidienne qui disent de nous ce que nous sommes. [...] Je devrais être en colère, avoir envie de riposter, mais je ne veux pas perdre cette envie d'aimer le monde. Je veux rêver et me sentir ouvert. Voilà ce qui donne la puissance. »
    (Orhan Pamuk - France Inter, 14/10, Et pourtant elle tourne)

    Ne pas râler. Bon, en ce moment ce n'est pas le plus simple. Mais il a raison, Ohran. Allez, on débranche les antennes, on ferme les yeux et on se projette. Le quotidien. L'ouverture. La puissance. Inspirez, expirez. Inspirez... Inspirons.