Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Second Flore - Page 44

  • Reprise des hostilités

    thumb_molia.gifC'est toujours la même histoire. Quand Reprise des hostilités est sorti, début 2007, quelques échos lus ici ou là m'avaient mis la puce à l'oreille. Le genre de truc qui vous fait penser que tiens, si je tombe sur Xabi Molia, faudrait que le lise. Sauf que vous ne tombez jamais dessus au bon moment. Parce que dans la librairie ce jour là il y en a d'autres sur la table, parce que le mois suivant, quand vous passez devant par hasard, mille micro-raisons font que ce n'est pas le bon moment, etc. Bref, les rencontres, tout ça.

    Trois ans plus tard, la rencontre a enfin eu lieu. Presque par hasard, comme il se doit. Parfois c'est trop tard, le désir s'est émoussé. En l'occurrence il était intact, crédit-pages à 40.
    Je n'ai pas eu besoin de 40 pages.
    La trame de l'histoire est simple : le père de Marin s'est tué après la fermeture de l'usine où il travaillait, laquelle avait été rachetée par un industriel véreux, Joseph Bel.
    Quand Jospeh Bel entre en politique (devenant alors un parfait croisement de Tapie et Le Pen), Marin s'arrange pour devenir son nègre. Petit à petit il se rapproche, rêve de sa vengeance future. Plus Bel montera, plus la vengeance sera belle. Mais en attendant, il se compromet toujours un peu plus...

    Des personnages, du conflit, de l'ambition et des contradictions - tous les ingrédients sont là pour que l'histoire tienne. Ce serait déjà suffisant. Mais un bon roman réclame aussi du style (sobre!), de l'épaisseur, de l'intelligence. Ça tombe bien, il y a tout ça ici. Avec une construction enrichie par deux histoires parallèles : celle de Marin dans un étrange paradis, quelques années plus tard ; plus surprenante, quelques biographies d'explorateurs. Peut-être parce que par leur ténacité ils dessinent un contre-portrait en creux de Marin, qui comme souvent dans les romans se perd en hésitations.
    En lisant, j'ai pensé qu'il n'y avait pas plus délicat à gérer, dans un roman, que les hésitations d'un personnage. Trop souvent elles ne font que trahir celles de l'auteur qui ne sait où faire avancer son histoire. Bien maîtrisées, ce sont elles qui donnent la profondeur au personnage. Avec Xabi Molia, ce serait plutôt le cas. Si vous le rencontrez, n'hésitez pas.

     

  • Léa et Michèle

    Où l'on est légèrement en retard sur l'Actualité
    (et où, en même temps, on s'en fout)
    (parce que dans quelques jours on sait bien qu'elle repassera)

    Léa était une jeune fille moderne. Mais elle était bien embêtée : ses friends ne commentaient plus trop sur son wall, et elle en avait marre de passer ses soirées toute seule. Elle se connecta, un peu par réflexe, et soudain l'info apparut. Le surlendemain, c'était l'anniversaire de Delphine.
    Mince alors ! Elle avait complètement oublié Delphine. Heureusement, Léa avait encore des réflexes IRL. Elle appela quelques copines pour organiser une fête surprise. Restait à trouver un cadeau. Un truc collectif ? Compliqué. Mais un livre, pourquoi pas. Delphine ne le lirait pasplus que le précédent, mais ça fait toujours plaisir. D'ailleurs, Léa avait sur son étagère plusieurs livres jamais ouverts qui n'attendaient que d'être recouverts de papier-cadeau. Emballé!
    La soirée fut une réussite. Les copines étaient là, les garçons aussi, sapés comme des princes. Le lendemain Delphine aurait son appart à ranger mais Léa s'en foutait, elle avait trouvé deux mecs à ajouter en friends et elle serait au chaud devant son ordi.

    ***

    Michèle était une ministre moderne. Mais elle était bien embêtée : depuis deux semaines elle n'avait pas fait la une des journaux.
    Elle y pensait, justement, quand l'un de ses conseillers frappa à son bureau, un journal à la main : "Michèle, la semaine prochaine c'est la Journée Internationale de la lutte contre Machin [insère ici la Grande Cause de ton choix], qu'est-ce qu'on fait ?"
    Mince alors ! Elle avait totalement oublié Machin. Heureusement, c'était une ministre aguerrie. Par réflexe elle convoqua une conférence de presse. Restait à trouver quoi offrir aux journaux. La création d'un numéro vert, peut-être ? C'était compliqué. Ou alors, une loi. Mais oui, une loi, ça c'était une riche idée ! Facile à annoncer, on ne s'en servait jamais après vu que la dernière n'était pas encore appliquée, mais ça faisait toujours plaisir. Et puis, il devait bien y en avoir dans les cartons du Ministère. Par chance elle en trouva une : on l'avait préparée à l'occasion d'un précédent fait d'hiver, mais comme le même jour les marchés financiers avaient glissé sur une bulle, on l'avait remballée.
    La conférence de presse fut un succès, les copains étaient là, il y avait même François, qui annonça que Machin serait érigé Grande Cause de l'année. Le lendemain, il faudrait bien passer à l'Assemblée, mais ça on s'en foutait, les journalistes ne seraient plus là.

  • Carte postale de Stockholm (2)

    stockholm.jpgJusque là, il faut bien le dire, Stockholm me faisait un peu la gueule. Mais à 16h30, changement de décor : fini le lent et déprimant crépuscule, cette fois la nuit est bien là, et Stockholm s'allume. La ville ne me sourit pas encore mais on s'apprivoise, ses façades me lancent des clins d'œil accueillants - jamais je n'ai vu une ville changer de visage aussi vite de quartier en quartier.

    Arrivé dans le centre je cède aux néons rouges du KulturHuset. Sur la droite, un début de foule. Sur la gauche, quelques pékins attablés (adultes et enfants) font de la couture ou des collages. Un jeune barbu m'explique que Huset n'est pas Museet, qu'ici les gens viennent créer, ils paient juste le matériel et de jeunes artistes les aident à réaliser leurs œuvres, avec un petit o (très seyant).

    www%3FShowFile%26image%3D1253128117.jpgA l'étage en mezzanine, bonbons et champomy sont de sortie : une jeune artiste expose ici pendant un mois, ce soir elle inaugure. En touriste, je monte. Les dessins de Marta Wycichowska sont volontairement naïfs, ils n'interrogent pas le regard du spectateur, la fraîcheur est appréciable. Je repère vite l'artiste, elle vibrionne, ses yeux pétillent comme le soda que se servent les amis qui arrivent, ses joues rougissent entre plaisir et timidité, joyeusement dépassée par l'événement.
    J'achète un magnet et vais la saluer pour le souvenir. Dans ce genre d'événement il y a toujours un inconnu en bonus qui passait par hasard, ce soir c'est moi et ça fait plaisir, l'artiste a le rire large comme le cœur qu'elle a sur la main, le temps de laisser untrace sur le livre d'or et je m'éclipse.

    Stockholm me sourit enfin, le voyage peut commencer.

  • Carte postale de Stockholm (1)

    Il était 15h20 et la nuit tombait lentement, Stockholm était très calme, elle semblait presque triste. Au bout du parc, derrière l'école maternelle, il y avait de la lumière et des orchidées suspendues, je suis entré. Bonnierskonsthall, disait le bâtiment. Life forms, disait l'exposition. Le genre d'art qui interroge notre regard sur tel ou tel sujet. Le sujet, là, c'était la nature. L'organique et l'artificiel, tout ça, avec des artistes internationaux. Pourquoi pas.
    J'ai bien fait. Derrière la caisse, le couloir affichait une première œuvre magistrale. Retenez bien son nom. Imaginez un couloir à l'entrée duquel sont alignées cinq couvertures de l'armée suisse, parfaitement pliées. Sur chaque couverture, une pierre. Chaque pierre fait la taille du sac que l'Artiste prenait sur son dos lors de son voyage dans les Alpes suisses, dit le texte qui accompagne l'Oeuvre. Ni plus, ni moins (l'art, c'est être précis, disait Juan Gris). Un peu plus loin, cinq photos témoignent des cinq endroits où l'artiste a pris les pierres - mais attention ! les photos, prises en grand angle, sont présentées verticalement - so as to disrupt the anthropocentric gaze, and to admit the possibility of a seeing and a consciousness that is other than human.
    (l'art n'a pas besoin de langue ; son commentaire non plus, en fait)
    Voilà.
    Sans doute mon regard n'a-t-il pas compris la question.

    Cela dit, à propos d'art et de nature, je crois que j'ai compris quelque chose de profond. On croit toujours que l'herbe est plus verte ailleurs : pas forcément. Le reste des œuvres était à l'avenant, j'ai même pensé un moment que le Palais de Tokyo était enfoncé dans son style - ou mieux : la Fondation Ricard (sans doute la plus fabuleuse collection de toc conceptuel de Paris), et là...

     

    ... Et là, bingo ! Laissons cette carte postale inachevée, je viens de voir que "Conscience de pierres", d'Helen Mirra, avait été exposée à la Fondation Ricard. Toutes les pierres sont à leur place, c'est parfait. Du coup je vous offre un morceau de l'œuvre :

    artwork_images_803_467947_helen-mirra.jpg

    Demain il sera temps de voir si le soleil de Stockholm se couche vraiment à 15 heures ou s'il ne fait qu'une petit sieste.

  • Société Générale

    C'est un jeune type en cravate cool derrière un bureau bien rangé. Derrière lui une vitre, des armoires et une musique primesautière, ta ta tata ta'ta, dont les droits ont manifestement été achetés très cher par la Société Générale, parce que je l'ai tout de suite reconnue.

    Winchester Cathedral...

    Le côté Cathédrale, je me suis dit, c'est peut-être pour ancrer dans nos esprits que la SG est vraiment une institution, solide, tout ça (si, si, ils pensent à ça, les publicitaires).
    On nous explique donc que ce jeune homme travaille à la Société Générale et que c'est tant mieux parce que si nous on a besoin de sous, eh bien lui, ça tombe bien, il est là pour maximiser sa marge nous aider, même que c'est son métier.
    Et tout au long de la pub, la musique continue, sautillante, sifflotante, colorant l'imagerie corporate d'un peu de flower power qui nous donne tout de suite envie d'aller embrasser notre banquier comme dans les pubs de la concurrence.
    Sauf qu'à un moment j'ai eu une intuition.
    Je me suis souvenu d'Alice et de sa pub "Houhou" (oh dis-donc, ça date), où une fille décolletée nous disait de la rejoindre pendant que derrière les paroles de la chanson concluaient You're not the one for me.
    Alors j'ai cherché les paroles de ce "Winchester Cathedral". Et là, bingo !

    You could have done something
    But you didn't try
    You didn't do nothing

    En gros, donc, pendant que le généreux cravaté nous dit qu'il est là pour nous, la bande-son nous explique que oui d'accord, il aurait pu faire quelque chose, mais qu'en fait non, il ne va rien faire.

    Now everyone knows just how much I needed that gal
    She wouldn't have gone far away
    If only you'd started ringing your bell

    v-7-1088421-1201176231.jpgPourtant on en avait vraiment besoin de ce fric, il suffisait d'un tout petit coup de pouce et hop, elle serait restée...
    A ce stade on se demande si un petit futé d'agence de pub rigole encore de ce petit sabotage, on se demande aussi si le directeur de la communication de la Sogé parle anglais, mais on n'a pas le temps parce que hop-là, on enchaîne déjà sur la conclusion.

    Winchester Cathedral
    You're bringing me down

    Je crois qu'en anglais ça veut dire que la Société Générale est là pour nous aider.

  • Sur le chemin du retour

    elle me racontait ses rêves. Le genre de rêves qui vous font enfin comprendre ce que votre inconscient a capté depuis longtemps, de ceux qui font que la nuit porte conseil.
    En l'écoutant je me rendais compte que ça faisait bien longtemps que je ne m'étais pas souvenu d'un rêve.

    C'est un entraînement, elle m'a dit. Si tu y penses avant de dormir, tu peux t'en souvenir.

    J'ai promis d'y penser. Après tout pourquoi pas.
    Au milieu de la nuit, je me suis réveillé dans cet état étrange de semi-conscience où l'on est spectateur d'un rêve qui passe en direct sous nos paupières, où l'on pourrait presque en changer le cours. C'était un petit rêve anodin, mais il partait bien.
    Et ce matin, idem.

    Je me demande si elle a d'autres pouvoirs magiques.