13h40. Personne ne l'avait annoncé, mais c'est défilé de mannequins près de la Porte St Martin - united colors of top models, avec une prédilection pour le blond et l'accent russe. Au bord des rades du Xe les ports sont altiers, les gorges déployées, les attitudes sûres d'elles-mêmes et les talons très hauts sur les pavés. « Je suis belle et c'est mon métier », disent les têtes et les jambes.
Mais l'homme de la rue, porte St Martin, ne s'en laisse pas compter. Il voit bien, lui, que la beauté est très loin d'ici, sans papier glacé le canon russe le laisse froid. Surtout quand son regard tombe sur la grande blonde maigrichonne, en queue de défilé, aussi gracieuse que si elle tentait de franchi une rivière en marchant sur des galets. Elle a deux types à ses côtés, c'est peut-être elle la star du groupe. Mais quand le booker montre la star l'homme de le rue, lui, regarde le doigt. Ou plutôt les bras. Et les jambes. Faut dire qu'on les voit bien, ses jambes, tant la jupe est fendue. Elles sont aussi épaisses que les baguettes du restau japonais où on lui conseillerait bien d'aller manger, là tout de suite.
La rue s'est tue pendant que passaient les mannequins, maintenant les badauds se regardent avec un sourire pincé. Pas un pour tomber dans le panneau de la beauté de rêve. Ici, pas de regard du photographe, juste une dizaine de personnes qui se regardent entre elles et qui savent qu'elles pensent toutes la même chose.
Que pute de luxe, décidément, n'est pas un boulot alimentaire. Que cette jupe fendue était bien dure à voir. Et qu'il faut être bien fêlé pour s'imposer ça.
Qui a donc décidé de remplacer les canons de la beauté par des baïonnettes ?
(Salut à toi, copine en jeans)