Quand ils entrent dans la Grand Ecole, les étudiants sont accueillis dans le Grand Amphi par de Grands Anciens, professeurs émérites ou Grands Patrons venus tout exprès pour flatter leur ego en chantier et leur donner à l'envi du Vous êtes l'élite de la nation.
Dans la salle, ça rigole doucement. On se regarde, t-shirt et gueule le bois, on voit bien qu'on n'a pas trop la gueule de l'emploi. Et puis on sent bien que c'est assez con, cette histoire d'élite.
Trois ans plus tard, d'autres Grands Patrons viennent saluer la promotion qui s'en va. Ils tiennent le même discours, mais sous la toque, dans certains rangs, ça ricane moins.
Que s'est-il donc passé entre-temps ? Pas grand'chose, pourtant. Des soirées, du sport, des campagnes BDE et quelques cours au milieu, des mecs qu'en ont et des filles qui en cherchent, de la bagatelle et parfois de la belle - rien qui te façonne une élite.
C'est qu'elle ne se façonne pas, l'élite à la française. Elle se reproduit. Le mécanisme est tout simple. Après deux ans de glande, l'étudiant insouciant devient sérieux pour sa troisième année. Il prend un peu de plomb dans le crâne, fait son stage sérieusement, en avril il revient pour boire à nouveau au bon temps déjà révolu - et soudain une cravate qui se noue, un masque qui tombe, et surprise! sous le masque, c'est Papa qui sort de l'Ecole.
Et c'est (re)parti.
PS1 : oui j'exagère. Oui et non. Sur 400 élèves d'une promotion, tu m'en trouveras 250 qui ne correspondent pas à ce modèle - des gens normaux, des gens bien. Mais sur les 150 qui restent, regarde bien, il y a ton patron. Ou son patron. Ou son éminence grise. Leurs enfants feront une Grande Ecole.
PS2 : (j'ai dit que c'était mal, d'être patron ? ben non.)
PS3 : Jean-Louis, tu te souviens des applaudissements qui ont coupé ton beau discours sur l'Elite alors que tu n'avais pas fini ? C'était tellement bon, de voir toute la salle embrayer. Salutations.