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Cartes postales - Page 3

  • Slam (open door)

    Le rendez-vous a été fixé au 19 rue de la Goutte d'Or - le Saaraba. Ce n'est pas moi qui ai choisi. Au programme, soirée slam. Dubitatif.
    Quelques accras en hors d'œuvre, le jus de gingembre sourire compris, à 21 heures nous ne sommes toujours qu'une petite dizaine dans la salle. On fera ça en haut.

    Démarrage en mode a capella, Lord Eraze et Aramanta sont en "perf" vont crescendo. Un flûtiste s'intègre en fond, un beatboxer se lève entre en résonance avec la slammeuse et la soirée décolle. Petit à petit la salle se remplit, après le break c'est scène ouverte, pour nous c'est découverte.

    Ils seront une petite dizaine à se succéder au centre de la salle - âges et couleurs très variables, textes divers, chacun sa voix on n'imite pas. Ça rime, ça prose, ça chante, vite, lent, comme tu le sens, on s'invente des personnages, personne ne se la raconte, parfois on conte, tout simplement, le timbre posé et quelques mots qui claquent, on sait ses textes par cœur ou on les lit, un habitué improvise sûr de lui, dans la main d'une nouvelle le papier tremble un peu. LaGoutte le beatboxer part en flow, Clarence alexandrine intermittent avec le talent d'une Chloé Delaume assagie, Cassiopée commande et conquiert. On encourage avant, on claque des doigts pendant, on applaudit après mais pas d'applaudimètre, le spectateur se demande si lui aussi un jour...
    Break.

    Ici Paris, décembre 2009. La langue a parfois l'accent arabe, bulgare, normand, on slamme en woloff - et quand une nouvelle voix se rassoit pour sa première fois, fière et tête baissée, on la salue à la française. Elle est des nô-ôtres / Elle a dit son slam comme les au-autres. Au même moment dans la même ville ils sont sans doute d'autres dizaines à échanger leurs notes de blog à l'oral.
    Ça rime, ça chante, ça prose, vite, lent, comme tu le sens, c'est Paris et ça donne envie.

  • Carte postale de Stockholm (2)

    stockholm.jpgJusque là, il faut bien le dire, Stockholm me faisait un peu la gueule. Mais à 16h30, changement de décor : fini le lent et déprimant crépuscule, cette fois la nuit est bien là, et Stockholm s'allume. La ville ne me sourit pas encore mais on s'apprivoise, ses façades me lancent des clins d'œil accueillants - jamais je n'ai vu une ville changer de visage aussi vite de quartier en quartier.

    Arrivé dans le centre je cède aux néons rouges du KulturHuset. Sur la droite, un début de foule. Sur la gauche, quelques pékins attablés (adultes et enfants) font de la couture ou des collages. Un jeune barbu m'explique que Huset n'est pas Museet, qu'ici les gens viennent créer, ils paient juste le matériel et de jeunes artistes les aident à réaliser leurs œuvres, avec un petit o (très seyant).

    www%3FShowFile%26image%3D1253128117.jpgA l'étage en mezzanine, bonbons et champomy sont de sortie : une jeune artiste expose ici pendant un mois, ce soir elle inaugure. En touriste, je monte. Les dessins de Marta Wycichowska sont volontairement naïfs, ils n'interrogent pas le regard du spectateur, la fraîcheur est appréciable. Je repère vite l'artiste, elle vibrionne, ses yeux pétillent comme le soda que se servent les amis qui arrivent, ses joues rougissent entre plaisir et timidité, joyeusement dépassée par l'événement.
    J'achète un magnet et vais la saluer pour le souvenir. Dans ce genre d'événement il y a toujours un inconnu en bonus qui passait par hasard, ce soir c'est moi et ça fait plaisir, l'artiste a le rire large comme le cœur qu'elle a sur la main, le temps de laisser untrace sur le livre d'or et je m'éclipse.

    Stockholm me sourit enfin, le voyage peut commencer.

  • Writing by myself

    Riga. Après Tallinn la ville-fantôme, c'est moi le fantôme dans la ville, comme un provincial débarquant à la capitale. Il y a les villes qui se laissent traverser et celles qui vous parlent. En général on ne sait pas entendre mais ici, très clairement, Riga me souhaite la bienvenue. Comme Paris elle semble à ma taille, les jeunes femmes bien habillées y ont la même moue boudeuse en bouclier qui dit N'y pense même pas, depuis la gare un canal serpente entre deux pelouses bordées de bancs - Vous êtes charmante, vous vous appelez comment ? - Riga. - Vous avez quelque chose de prévu ce soir ?

    Quelques heures plus tard, un virage au hasard, le soleil qui descend, la musique qui monte, et Doma Lauk. Toute la place à été transformée en terrasse géante - une centaine de tables dressées, la pinte à 1 Lats en self-service et un concert de jazz rock, guitariste et bassiste juchés sur un camion de pompiers. S'installer ? Bien sûr. Non loin de cette demoiselle aux yeux clairs et cheveux en boucles, belle comme Marie Perrin et Camille de Peretti réunies (si, si) qui boit un cocktail avec une amie. A peine assis le guitariste annonce "vodka, beer, whisky time" et se lève pour un break. De l'autre côté de la place, un trio prend la place et Besame Mucho. Me voilà seul avec ma pinte en plastique, un carnet dans ma poche et les questions délicieuses de celui qui sait que finalement rien.
    (quoique)
    Que faire donc avec les grands yeux clairs et collants fuchsia à ma gauche ? Comment gérer la copine ? Le temps d'inventer une dizaine d'invitations (si elles recommandent un verre c'est sûr je), le guitariste revient, en mode blues-rock cette fois, les premières notes font claquer les doigts et me donneraient presque l'énergie de bouger mes fesses, mais la demoiselle vent de demander la note de son Cosmopolitan. Si l'opération de paiement est aussi longue qu'à Tallinn ça me laisserait largement le temps de, mais à la place j'écris dans ce carnet, sourire aux lèvres. C'est très con d'écrire, quelquefois.
    (souvent)
    Comme les deux inconnues se lèvent et passent derrière moi récupérer leurs vélos, le guitariste se fait Gary Moore et entonne Walking by myself en massacrant les paroles mais on s'en fout. L'ironie élargit le sourire vers le haut. L'enchaînement sur Parisienne Walkways est parfait - une serveuse passe à l'instant, je commande un Rigas Šampanietis (prononcer champ') pour fêter la rencontre. Come together viendra un peu plus tard. J'écris toujours sur le carnet, content d'être là, i love Riga.

  • Le luxe, le vrai

    Evidemment les bus "normaux" pour Riga étaient pleins, me dit la femme uniforme à la gare routière. Mais elle avait une bonne nouvelle - "Eurolines Lux" n'attendait que moi.
    Qu'appelez-vous luxe ? je demande. Quelques euros en plus, me dit un sourire commercial en me tendant la machine à carte bleue - et bien sûr toute une batterie de service à valeur ajoutée. J'en salivais d'avance.

    Maintenant, donc, je connais la définition du luxe.
    1/ le free-wifi (youpi)
    2/ une bouteille d'eau et un café (une pensée à ce stade pour la famille russe qui s'était payé la classe « Ecoplus » sur le Stockholm-Helsinki, et qui avait eu droit juste devant moi, à un café, deux cacachouettes et trois sourires gratos - bon voyage et merci de reconstruire nos marges)
    3/ deux beaux écrans plats avec des clips.
    Et là, dilemme. Faut-il imposer MTV à fond à tout le monde ? Quand même pas. Mais les écrans sont là, on n'éteint pas comme ça une valeur ajoutée. Alors le chauffeur règle le son au minimum - résultat : le vrai luxe, chez Eurolines, c'est d'avoir l'impression pendant 4 heures d'être assis à côté d'un type qui écoute son walkman trop fort.
    Welcome on board.

    Au final, je dois le dire, j'ai été un peu déçu. Le vrai luxe, en bus, c'est le verre fumé et les stries horizontales sur les vitres qui vous protègent du monde extérieur. Là, j'ai pu voir le paysage - en voyage, c'est dommage. La prochaine fois je demanderai la classe Grand Luxe.

  • Carte postale de Tallinn (2)

    De la fenêtre de l'auberge on entend les mouettes du port et on contemple la façade défoncée d'une ancienne usine. En se décalant un peu, on aperçoit un tout nouveau Palais du design à l'architecture osée. A côté d'un café de métalleux, une petite cabane en bois avec sa mini-éolienne assure des animations écolo, deux types éclusent une bière sous un haut parleur qui diffuse timidement une soupe populaire.
    Sortant des ruines, le seul cinéma du nord de la ville, au nom prometteur de chefs d'œuvre méconnus : Coca Cola Plaza (l'Estonien est cinéphile). A sa droite, un casino annonce par un picto à l'entrée que les pistolets sont interdits. Continuer vers le parc. Se diriger vers l'arbre, là-bas au fond, sur lequel a été placardé une affiche. Surprise : hormis son en-tête Vabadus, l'affiche est vierge.

    19381_6_t.jpg

    Renseignement pris, Vabadus signifie Liberté. (Mälu Taastu, en revanche...) Qui a mis ces affiches un peu partout dans la ville ? On ne sait pas.
    L'idée pourrait être reprise.
    Et la liberté, là, c'est de prendre le bus pour Riga.

  • Carte postale de Tallinn (1)

    tallinn.jpgA en croire ce qu'on m'avait dit à Helsinki, Tallinn, c'était Carcassonne et Tijuana dans une même ville. Carcassonne pour la ville médiévale enfermant les touristes dans ses remparts. Tijuana pour la débauche des Finlandais venus en voisins se bourrer la gueule à peu de frais.
    Et c'est vrai qu'on les avait vus, ces Finlandais débarquant du ferry par familles entières avec des caisses entières de bière et de vodka, fins saouls le plus souvent, jusqu'à ces ados souffrant encore de la cuite de la veille au point d'en boire du soda. "Tu verras, c'est pire de l'autre côté", m'avait dit J.
    Elle se trompait.
    Le Finlandais ne vient pas se bourrer la gueule à Tallinn, il prend juste le bateau (2h) pour acheter de l'alcool détaxé.
    Et une fois arrivé en ville...
    D'abord il a fallu franchir le rempart, par des ruelles en angle droit, comme si Tallinn n'avait pas tellement envie qu'on y entre. Puis, une fois sur le pavé de la vieille ville... Personne. Une ville fantôme. Le long des rues principales, de longues terrasses dressées, sans le moindre client. Je me dirige vers St Olaf, ce clocher qu'on voit de très loin. Les Estoniens se cachent, les touristes aussi. J'en croise quelques-uns, seuls ou par deux, plan en main, regards en point d'interrogation. Comme si nous étions les participants d'un jeu de piste dans une ville abandonnée.
    Je monte un peu vers la ville haute, un type pisse dans un parc mais il est seul. Je recroise les mêmes touristes. Je redescends. Soudain, un virage, de la musique - It's a shame. C'est le DM bar (je te jure). Deux clients. Un peu plus loin le bruit s'intensifie, un jeune couple débarque avec un sac McDo. On approche de l'hôtel de ville, la vie reprend peu à peu. Une place, des rues, des terrasses remplies... et un Pédalipub où tu montes à huit pour pédaler en te faisant servir des pintes. Nous sommes à l'Est, nous sommes au Nord, maintenant c'est sûr.
    Mais une rue plus bas tout s'évanouit.
    Samedi soir, Tallinn est une toute petite ville.

    ***

    Dimanche matin, 9 heures. Les remparts sont plus accueillants sous le soleil. La ville semble la même mais elle s'est déguisée - l'offre et la demande, et le touriste demande du médiéval. Tallinn ressemble toujours à un jeu de piste, mais maintenant la ville s'agite dans tous les sens. C'est l'épreuve par équipes. Des Anglais, des Russes, des Allemands, des Italiens.
    A gauche un stand de tir à l'arc propose de revêtir un chasuble pour optimiser l'expérience client. A droite un couple en costume invite à entrer dans un mignon petit musée de la torture.
    Je reste dans la rue, à regarder le jeu.

    Ce sont les Allemands qui ont gagné.

     

  • Carte postale d'Helsinki (1)

    helsinki-big.jpgPendant des siècles, la Suède et la Russie se sont disputé la Finlande.
    Aujourd'hui, ce serait plutôt Clearchannel et JCDecaux.
    Et c'est très pénible, quand on se déplace un peu au hasard avec un plan approximatif, de voir que deux arrêts de bus sur trois s'appellent JCDecaux.

    (Sinon ça va, merci)

    Bon, promis, j'en ai de (beaucoup) plus belles, de cartes postales, mais vous savez ce que c'est - la poste est toujours un peu plus lente, au mois d'août.

    En bonus parce que je suis sympa, cette installation de Jani Leinonen (tout est en fil électrique) ou ce Darth Vador d'Anssi Kasitonni (admirer le pas martial du "plus gros casque du village"). A Helsinki, l'air est frais, l'art aussi. Salut.

  • Talons hauts, jupe fendue (complètement fêlée)

    13h40. Personne ne l'avait annoncé, mais c'est défilé de mannequins près de la Porte St Martin - united colors of top models, avec une prédilection pour le blond et l'accent russe. Au bord des rades du Xe les ports sont altiers, les gorges déployées, les attitudes sûres d'elles-mêmes et les talons très hauts sur les pavés. « Je suis belle et c'est mon métier », disent les têtes et les jambes.

    Mais l'homme de la rue, porte St Martin, ne s'en laisse pas compter. Il voit bien, lui, que la beauté est très loin d'ici, sans papier glacé le canon russe le laisse froid. Surtout quand son regard tombe sur la grande blonde maigrichonne, en queue de défilé, aussi gracieuse que si elle tentait de franchi une rivière en marchant sur des galets. Elle a deux types à ses côtés, c'est peut-être elle la star du groupe. Mais quand le booker montre la star l'homme de le rue, lui, regarde le doigt. Ou plutôt les bras. Et les jambes. Faut dire qu'on les voit bien, ses jambes, tant la jupe est fendue. Elles sont aussi épaisses que les baguettes du restau japonais où on lui conseillerait bien d'aller manger, là tout de suite.

    La rue s'est tue pendant que passaient les mannequins, maintenant les badauds se regardent avec un sourire pincé. Pas un pour tomber dans le panneau de la beauté de rêve. Ici, pas de regard du photographe, juste une dizaine de personnes qui se regardent entre elles et qui savent qu'elles pensent toutes la même chose.
    Que pute de luxe, décidément, n'est pas un boulot alimentaire. Que cette jupe fendue était bien dure à voir. Et qu'il faut être bien fêlé pour s'imposer ça.
    Qui a donc décidé de remplacer les canons de la beauté par des baïonnettes ?

    (Salut à toi, copine en jeans)

  • La nana de la pub ipod

    Elle est montée à Chateau-d'Eau, de la vapeur de sueur montait déjà dans le wagon. Petit short bleu, top rouge et ongles vernis au bout des tongs - même sa peau avait le bronzage fluo. A la poche de son short, elle avait clipé un mini-baladeur qui l'isolait du monde. Avant de comprendre qu'elle était faite de chair et d'eau, j'ai cru qu'il s'agissait d'une de ces filles un peu abstraites qui dansent la modernité triomphante dans les pubs 3.0.
    Parisienne ? Touriste ? Peu importait - elle était citoyenne du monde et habitait dans son ipod.

    Quand elle s'est glissée en face de moi, j'ai entendu dans ses oreilles les basses tranquilles d'une rhythm'n'soup internationale. Ça se confirmait. Elle a commencé par se contempler les ongles. A chaque vermicelle dans la soupe elle se mordillait les lèvres de plaisir, au refrain elle souriait, ouvrait légèrement la bouche pour former quelques sons muets, et tout du long elle dodelinait de la tête comme-à-la-TV. De temps en temps elle regardait un peu le monde autour, toujours souriante, presque étonnée de voir d'autres gens.
    L'échange a été joli quand elle a vu qu'en face d'elle je prenais des notes - j'aurais pu être en train de faire son portrait au fusain, ça aurait été pareil. Elle m'a regardé écrire quelques instants (au crayon sur le dos d'une couverture de papier glacé - illisible) puis a fermé les yeux pour rentrer dans sa musique. Quand je levais les miens, je la trouvais regard mi-clos, le menton toujours en rythme.

    La seule chose qui m'a fait comprendre que je n'avais pas en face de moi une publicité vivante, c'est quand son oreillette droite est tombée et qu'elle a dû la remettre. Sans cesser d'onduler.
    Puis le métro s'est arrêté à Odeon et je suis descendu. Si j'avais su dessiner je lui aurais laissé son portrait. Malheureusement...
    Elle m'a regardé descendre, elle est restée sous terre et continuait à planer au-dessus de la ville.