Salut mec,
Comme tu aimes bien Murakami mais que son dernier t’avait déçu, j’ai décidé de lire pour toi Kafka sur le rivage. Tu connais l’histoire, peut-être. Les histoires, en fait, puisqu’il y en a deux : celle d’un petit fugueur de 15 ans et celle d’un petit vieux idiot mais qui sait parler aux chats – et ces événements étranges qui les relient à plusieurs kilomètres de distance.
Je sais, oui, que tu n’aimes pas beaucoup le fantastique, même quand il s’agit de métaphores – mais tu n’es qu’un gamin, tu verras, en grandissant tu y viendras. En tout cas, tu devrais vraiment le lire, tu pourrais vraiment en prendre de la graine. Mais comme je sais que tu as d’autres lectures en cours, je te fais un petit résumé des choses à retenir pour plus tard…
1. Travaille la voix de tes personnages. Je sais que tu avais déjà remarqué le talent de Fred Vargas pour donner un ton spécial à chacun ; je sais aussi que tu as fait des efforts pour Truc N°2, mais franchement, tu as encore des progrès à faire. Et au-delà de la voix, tu remarqueras ces petits éléments tout simples de caractérisation des personnages– un petit truc de décalage, pas juste un gimmick ni du blabla, du concret avec lequel tu puisses jouer tout au long du récit (Le-Garçon-nommé-Corbeau qui personnifie la conscience du héros, par exemple). Tu t’en souviendras ?
2. N’aie pas peur d’être plus long. Etre long ce n’est pas forcément être bavard ; c’est aussi être plus généreux. Il s’agit juste d’installer le lecteur dans le bon rythme, de bosser un peu t’y installer aussi, et zou.
3. Reste simple et efficace dans la construction. Tu verras comme c’est efficace, deux histoires parallèles qui se rejoignent. Evidemment, je te connais, tu auras peur de tomber dans le roman de gare d’Eurostar à la Lévy (Marc), le genre de truc bien calibré dont il ne reste plus rien à la fin. Mais c’est une idée à la con, ça. La différence n’est pas dans la construction, elle est dans la profondeur. Et puis, avec les constructions simples c’est plus facile de s’amuser, de détourner les codes une fois de temps en temps – vas-y sans crainte, Murakami t’indiquera le chemin.
Bon. Sinon, en lisant, j’ai pensé aussi à ce projet de roman dont tu m’avais parlé – tu sais, un livre dont le héros est un collégien. Tu verras ici que l’important n’est pas de le faire parler comme un ado (l’échec est quasi-assuré), mais de retrouver la profonde naïveté naïve profondeur des interrogations adolescentes. Tu vas adirer, je le sens.
Allez, je te laisse. Vraiment je te le recommande. Tu pourras en parler à tes potes en ligne, d’ailleurs. En tout cas, moi, si j’étais toi, je prendrais bonne note et je retournerais vite bosser.
Salut
Ta conscience nommée Corbeau.
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