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Second Flore - Page 83

  • Niquons, niquons (il en restera toujours quelque chose)

    Hier soir, je rentre de ma librairie, l’humeur vagabonde, mes cadeaux de Noël dans un grand sac.
    Tournant dans la rue L. je tombe sur deux lascars, genre trentaine abîmée, le QI bas et le verbe haut.
    Le plus petit des deux exprime une vive contrariété, manifestement consécutive à une interaction malheureuse.

    « L’enculé de sa race, j’lui nique sa mère »

    Il raconte sa mésaventure et je ne comprends rien. Et plus il parle, plus il gesticule. A son ton violent on peut se dire qu’il ne vaudrait mieux pas l’avoir en face de soi, surtout si on est un enculé de sa race, mais heureusement, je marche dans la même direction, et je suis de bonne humeur. La violence ne m’atteint pas.

    « J’te jure que si j’le r’trouve, ce bâtard de fils de pute… »

    Une jeune femme change de trottoir en pressant le pas. Moi, j’aurais plutôt envie de jouer au coach – genre analyse d’opportunités, culture de l’efficacité. Je m’approcherais tranquillement, imposerait le silence par la seule force de mon calme. Et je lui demanderais de me préciser ce qu’il ferait vraiment s’il retrouvait l’autre fils de pute : lui casser la gueule ? lui retourner sa baraque, avec sa mère dedans ? lui fracasser sa voiture ? lui voler son carnet de chèques ?
    Je cherche d’autres options mais déjà l’énervé livre sa réponse, méchant comme un rappeur en promo.

    « …J’lui nique sa mère mais grave ! »

    Alors je comprends : il ne fera rien. Rien du tout. L’autre enculé de sa race peut dormir tranquille, sa mère aussi.
    J’en ai connu des quintaux, des grandes gueules comme ça sur les terrains de foot des petites divisions d’Ile-de-France.
    Nique ta mère, c’est le vocabulaire de l’impuissance.
    Etonnant que j’aie mis si longtemps à comprendre ça.

    Ensuite je me suis dit que si je racontais cette histoire il faudrait une chute. Mais bon, le pauvre type vole déjà tellement bas… 

  • Belfast (and Furiously)

    medium_eureka_street.jpgJ’ai passé le week-end en Irlande du Nord.
    Dans mon canapé, dans mon bain, dans le métro, j’étais à Belfast.
    Jusqu’ici j’avais toujours détesté les commentaires convenus du style « le roman d’une ville » (vieux truc compassé d'auteur féru de style de littérateur onaniste). Mais là…

    Il  y a des personnages, du souffle, de l’humour, l’Histoire, la vie, la mort, de la sagesse et des pains dans la gueule, la vie quoi, de l'amour entre deux bières et un graffiti, quelques morceaux de bravoure et l’intelligence toujours, de la première à la dernière ligne.

    Bref ! D'autres vous feront de belles critiques de ce livre, je me contenterai de vous proposer un choix :
    - soit prendre un billet pour Belfast, humer la ville et prendre votre temps pour y lire « Eureka Street », de R. McLiam Wilson
    - soit foncer chez votre libraire pour voyager tout de suite.

    Et maintenant, mignonne, allons donc voir si les hérissons sont élégants…

  • Sans merci (ni pardon)

    Pour faire suite aux commentaires des notes précédentes, la courte anecdote de la semaine... Bon week-end!
     
    Dans la paisible queue du supermarché, j'ai fait tomber une pièce de monnaie.
    Devant moi, une quadragénaire un peu sèche mais très chic se baisse - gêné je voudrais génuflexer à mon tour, mais il est trop tard, elle est déjà presque au sol et je n'ai pas très envie de jouer à la pub Axe avec une voisine à tête de co-propriétaire.
    Elle ramasse la pièce... et tranquillement se plonge dans son sac à la recherche de son porte-monnaie. Je laisse passer quelques longs centièmes de seconde avant de réagir, Excusez-moi madame, mais en fait c'est moi qui... Alors elle me regarde, toutre pimpante, et dit "Ah pardon ça alors, comme ça m'arrive tout le temps... " Et elle me rend ma pièce comme si je venais de faire la manche.
    Parfois je me dis que les Mutants sont parmi nous.

  • Laissons la porte ouverte au débat

    Donc, il y a débat sur le pas de la porte.

    Et un débat, ça s'alimente.
    Donc, ce matin, j'ai pris mon cyber-cabas, ma souris et ma liste de mots-clés et je suis allé voir M. Google pour qu'il me donne quelques indications plus précises.
    Et le résultat des courses...

    1. Une stat sur la civilité
    Selon une étude Moser/Corroyer de 2002, 54% des individus tiennent la porte à la personne qui les suit à l'entrée d'un magasin.
    A noter la répartition par sexe : 64 % pour les hommes, 49% pour les femmes.

    2. Une stat internationale sur la politesse
    Non, ce n'est pas une blague, mais une étude "Reader's Digest" de 2006.
    Sur trois critères (en gros : tenir la porte / dire merci à la dame / ramasser les documents du Monsieur), les New-Yorkais seraient les plus polis, devant les habitants de Zurich, Toronto et Berlin. Les Parisiens arrivent au 19e rang, juste devant les Montréalais.
    Et les plus jeunes sont les plus courtois, dit l'étude.

    3. Une appréciation toute subjective
    Apparemment, la rébellion qui sourdait dans les coms de la note précédente semble avoir des racines profondes. Je croyais à quelques mouvements d'humeur mais non, c'est bien d'un vaste ras-le-bol qu'il s'agit contre "ces connards qui nous tiennent la porte et nous obligent à sprinter sur 50 mètres". Des petits plaisantins proposent même un logiciel "pour s'entraîner à tabasser les gens qui nous tiennent la porte".

    Diantre !

    Pendant ce temps-là, l'Amicale des indécrottables optimistes continue vaille que vaille de recruter.
    Malgré les pressions.
    Il y a une heure, arrêté au carrefour pour laisser passer une fourgonnette, je me suis fait chier sur la tête par un pigeon.
    Aucun homme ne m'avait jamais fait ça.


  • Manipuler avec précaution

    Imaginez-vous au restaurant, à New York, dans les années 70. Les murs sont jaunes, le bas de votre pantalon marron est un peu ridicule (comme votre coiffure et belle ceinture), mais ça, vous ne le savez pas encore  - et de toute façon ce n’est pas ça qui compte, non. L’important, c’est ce type à la table à côté de vous, seul avec cet élégant cartable en cuir qu’il vient de poser à côté de lui.
    Le type s’approche de vous : il n’a pas d’allumettes, dit-il et vous demande si par hasard vous auriez du feu. Vous en avez peut-être. Ou peut-être pas, d’ailleurs, ce n’est pas grave. C’est ensuite que tout se passe. Car, surprise ! Au lieu de se rasseoir à sa table, le type s’en va vers le fond du restaurant. Presque immédiatement un autre type s’approche, prend le cartable de votre voisin et s’en va tranquillement avec.
    Voilà.
    Que faites-vous ?

    (Attention, soyez honnêtes ! Remettez-vous bien en condition, les années 70 tout ça… Revoyez Taxi driver, éventuellement, avant de lire la suite…)

    Ce que vous faites, donc : à 87 %, vous laissez partir le voleur de cartable.
    Si, si, ne mentez pas ! Car en réalité, un certain Pr Moriarty vous faisait participer à une expérience. Le voleur de cartable était un de ses complices. Et il a compté.
    87 % !
    Cela dit, ce n’était là qu’une moitié de l’expérience. Car le Pr Moriarty remet ça. Dans les mêmes conditions, bien sûr. Sauf que cette fois le type ne demande pas du feu, mais explique à son voisin qu’il doit s’absenter quelques minutes et lui demande de surveiller ses affaires (ce qu’il appelle « situation d’engagement »). Dans ce cas, 95 % des gens interviennent pour arrêter le voleur.
    Ouf !
    Comme quoi, nous ne sommes pas (que) des gros lâches…

    En lisant cette anecdote (dans un très scientifique et sympathique Traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens), j’ai eu envie d’optimisme.
    Alors je suis sorti des seventies US et de la psychologie sociale pour aller dans la rue.
    Et j’ai repensé à cette statistique que je n’arrive pas à retrouver : dans mon souvenir, seuls 40 % des gens tiennent spontanément la porte d’un magasin à la personne qui les suit (l’expérience a été faite à Paris…). Mais si le client précédent a lui-même tenu la porte, alors la stat grimpe au-delà de 70 %. Du moins, je crois.

    Si vous connaissez cette expérience, faites-moi signe… Ma porte est toujours ouverte, ma chandelle est presque morte, mais j’ai du feu.

  • Casino Royale

    n’est pas un bon James Bond.
    C’est un excellent film.
    Il devenait urgent de casser les codes.
    Quand même, dès qu’elle y met un peu de finesse, l’industrie peut nous faire de ces choses…

    (et puis, quelle bonne idée de maquiller Flavie Flament pour en faire la meuf du méchant!)

    Et maintenant, se remettre à lire... Ecrire viendra plus tard. C'est toujours dans ce sens que ça se passe, non?

  • Servir sur un plateau

    Je suis arrivé un peu en retard, dans le couloir ils venaient de séparer les mâles des femelles.
    J’ai repéré quelques spécimen Vivelle Dop, mais pour être honnête l’ambiance n’était pas à la gomina, nous étions juste une trentaine de jeunes types détendus attendant on ne savait quoi, un peu comme à l’armée, en somme. Dans ce genre de queues absurdes, on rencontre toujours Machin qui est à l’aise parce qu’il connaît les lieux. Je l’ai rencontré, évidemment. Sur le chemin du vestiaire je lui ai tenu la porte, alors il m’a dit qu’il était déjà venu trois fois, que maintenant il savait que ce n’est pas la peine de venir habillé classe mais qu’au début il av…
    "Allez on se dépêche !" encourageait Lydie, la grande chef du public. "Antenne dans quinze minutes!"

    Après le vestiaire, les mâles retrouvent leurs femelles, beaucoup sont venus en couple. Sauf Machin bien sûr. Rapidement, et avec une belle énergie, Lydie nous donne ses consignes : il ne faut surtout pas aller ici, là, là, là et la – mais à part ça on peut se déplacer comme on veut. La liberté, quoi. 1968 réinventé. Le Grand Soir, les soviets et la champagnisation. « On va vous donner du Champ’ mais n’abusez pas svp, n’oubliez pas qu’il y a quand même une émission qui se tourne au milieu et que vous êtes filmés ! »
    Elle n’a pas à s'employer pour placer les gens – une saine régulation s’opère : certains sont venus pour être vus, on leur laisse les premières lignes. Seule une bonnasse en mini-short reste à l’écart, elle est vite repérée. Mademoiselle, vous avez de jolies jambes il faut les montrer, tenez venez là !

    L’émission commence, cinq minutes de Philippe Starck avant le journal, tout se passe bien. Pro et sympa. Même pas drôle.
    A la pause le public se rue sur les petits fours comme un commercial sur une commission.
    On avait annoncé une soirée entièrement non fumeur, je n’ai aucune envie de fumer mais bien l’intention de découvrir la cachette des rebelles. Je n’aurai que quelques pas à faire – bingo ! Patrick Eudeline est là, déguisé en lui-même et discutant avec les journalistes de l’émission (sympathiques, concernés – décidément sur le contenu cette émission me plaisait de plus en plus). Le public, lui, obéit aux consignes en sirotant du champ’.

    Après la pause, j’essaie de trouver une planque discrète hors du champ des caméras. Raté : je me retrouve à deux pas du PC Public – Lydie est derrière moi avec ses deux assistantes, prêtes à bondir pour intervenir en cas de problème. Et elle a l’œil, Lydie. Une fille qui tourne le dos à la caméra, un groupe qui reste assis à l’écart, une jeune con qui commence à bouger un peu trop et hop ! on envoie quelqu’un recadrer tout ça. Il a aussi fallu régler le cas de la bonnasse en short noir et de sa copine nombril à l’air, les déplacer régulièrement pour faire vivre l'ensemble. Ou alors se rendre compte que Machin s’est assis non loin du centre du plateau à côté d’une fille moche – tiens Coralie tu peux aller me chercher un petit couple mode et les mettre à la place de ces deux-là ? Ou encore se rendre compte que notre coin est un peu trop masculin et envoyer l'autre assistante chercher à l'autre bout du studio un décolleté indécent pour le mettre devant moi (on m'avait bien prévenu, que Lydie était une fille formidable).

    C’est un souci de tous les instants, le public, une matière vivante qu’on modèle à façon, de la chair à télé, un décor éphémère à changer régulièrement. Une affaire de pro.
    Dans mon dos le bruit était incessant, de tous côtés les gens commençaient à chuchoter sans perdre leur sourire forcé au cas où la caméra se pointerait vers eux, je tendais l'oreille pour écouter mais je sentais bien qu'on aurait préféré que je sourie en bougeant discrètement.

    Ce qui nous vaut cette conclusion, finalement triviale : si l’on veut écouter l’émission, mieux vaut être à trois mètres de sa télé qu’à un mètre de l’action.

    (A noter aussi, ce moment historique : à la faveur d’un nouveau remodelage du décor public, j’avise un siège libre. Celui sur lequel était Machin avant de se faire dégager - un poste stratégique sans doute, exposé et tout ça. Mais tant pis, j'ai mal aux jambes, je l’annexe. Lydie passe devant moi, me dévisage. Et ne me dégage pas. Un triomphe. Mon adoubement télévisuel. Jean-Victor (le héros d'Eliminations Directes) serait fier de moi.
    Allez, à bientôt)