Donc, tu es candidate.
(oui, je te tutoie, après tout on a fait campagne ensemble il y a dix ans, hein, et puis je t’aurais bien dit "vous" si tu avais représenté ces "collectifs" dont tu te serais bien réclamée, mais bon, non.)
Jusqu’au dernier moment j’ai eu cet espoir absurde que tu ferais un geste historique et que tu t’effacerais pour laisser porter une voix nouvelle.
Mais les petits calculs ont été les plus forts. Il fallait bien sauver les quelques strapontins qui restent au parti, hein ?
J’ai lu quelques articles évoquant ta déclaration de candidature, je n’ai pas pu les finir. Un peu comme quand Hollande ou Villepin parlent à la radio, tu sais, cette impression d’impuissance, ces mots vidés de chair, ce discours qui glisse.
Mais avant de me résoudre, je voulais te dire deux fois merci.
Merci d’abord à la Ministre que tu fus, d’avoir montré que l’énergie des convictions pouvait encore soulever des collines. Je garde le souvenir de ta lutte antidopage.
Merci aussi pour m’avoir convaincu lors du dernier référendum.
Tu te souviens, comme la campagne était belle, comme on en parlait dans les cafés, comme la flamme qu’on croyait éteinte s’était vite rallumée ?
Il était mauvais, ce texte, on avait furieusement envie de voter non. Et pas seulement pour dire merde, même si ça me démangeait. Mais mon petit doigt me commandait de voter oui. Parce qu’il fallait bien avancer un peu, même en biais.
Et puis un jour, je t’ai entendue clamer que les peuples d’Europe allaient se lever. « Mais les Espagnols ont voté », a rétorqué la journaliste. Là, tu ne t’es pas démontée, tu as toisé la Chabot et tu lui as dit, en substance, qu’on finirait bien par déciller les yeux du peuple espagnol. Alors je t'ai bien regardée, Marie-George, je t'ai imaginée face au peuple espagnol et j’ai pris ma décision. Tu m’avais convaincu. Ce serait Oui.
Ce jour de mai 2005, Marie-George, tu as fait gagner l’adulte réaliste que j'ai toujours tenu en bride. J’espère que dans les mois qui viennent tu sauras le provoquer un peu, ce réaliste malgré-lui, que toi ou d’autres saurez le titiller dans ses convictions pas drôles. Parce que juste derrière, l’idéaliste veille toujours. Il ne croit plus guère aux chimères, les gesticulations inutiles lui donnent des crampes, mais il n’en peut plus de rester assis. Et il sait qu’un jour viendra où il reprendra la main.
Allez, adieu, Marie-George.
Une autre fois, peut-être.