Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Cartes postales - Page 8

  • Les bureaux sont tout verts

    Le journaliste est au cœur de l’événement. Il est

    l’événement.

    21 avril, 20h, ouverture du JT de France 2 : "on ne connaît pas l’identité du tout premier votant, mais dans les territoires d’Outre-mer les bureaux sont ouv..."
    22 avril, 8h, France Inter : "… et nous nous rendons immédiatement dans un bureau lyonnais pour vivre en direct l’ouv…"

    Mais le journaliste n’est pas qu’un échotier au petit pied. C’est aussi un être courageux et engagé qui aime se sentir investi d’une cause – un truc énorme qui le dépasse. Une croisade anti-Le Pen en 2002, par exemple. Ou un tsunami (donnez).
    Aujourd’hui 22 avril, ce sera : "... et n’oubliez pas d’aller voter". De quoi en décourager certains, c’est sûr.
    (mais c'était un plaisir de faire la queue, et puis ce rituel, "a voté", quand même...)

    Le journaliste domine rarement son sujet, mais il s’en fout. Au contraire. Avec délectation il se laisse dominer par son sujet, quel qu'il soit. Et auj...

    Flash spécial !!
    - Mme Royal a été voter à XX heure, accompagnée de… Elle a souri aux photographes avant de… Elle n’a pas fait de déclaration.
    - Ici à Bordeaux comme dans toute la France, le taux de participation à midi s’élève à…
    - Dans une heure les résultats, nous nous rendons à Lille pour regarder les gens qui attendent, Stagiaire 3, vous êtes là ?

    Aujourd’hui 22 avril, heureusement, c’est un jour sans journalistes, d'ailleurs il fait beau, je suis déjà dehors.
    Bon dimanche !

  • Une heure en France (en direct)

    medium_pernaut.jpgParce qu'il est important de regarder les choses en face, j'avais depuis longtemps envie de regarder le 13 heures de JPPernaut.
    Juste pour voir (après tout, 7 millions de téléspectaters quotidiens, ça veut bien dire quelque chose), pour aller au-delà des caricatures.
    Pour vous raconter, ensuite - parce que ça sert (aussi) à ça, écrire : à faire des choses qu'on n'aurait pas faites, sinon.
    Bref ! J'y suis allé, à 13 heures, et...

    Rappelons le contexte : vendredi 6 avril et l'actualité officielle est peu chargée parce que les journalistes sont en congés.
    Il se passe des choses un peu partout - en Afghanistan, en Somalie, à Bruxelles ou dans les couloirs des palais ministériels mais on s'en fout un peu, hein, parce que c'est Pâques.
    Alors on ouvre le journal sur... 2 minutes 30 (oui!) de reportage sur la tradition du réveil de Pâques à Errlisheim, en Alsace, où les enfants (on aurait pu dire "les jeunes", mais ça c'est pour les délinquants) pour ce vendredi férié défilent dans les rues dès potron-minet en réveillant les habitants avec des crécelles (gros plan sur une mamie ouvrant ses volets avec le sourire, mais bizarrement il fait beaucoup plus jour sur ce plan-là que sur les précédents). Très joli.
    Ensuite, petit tour à Paris pour le chemin de croix de l'archevêque. Là, je me dis, on va enchaîner sur un vrai sujet... Mais non ! Car pour Pernaut la transition est toute trouvée : "... une drôle d’histoire de cloches en Mayenne, maintenant, dans un village où un arrêté municipal leur interdit de sonner…" Il est 13h04, je craque.

    Vers 13h15 j'y retourne, opiniâtre. Parce que c'est l'heure du "journal de campagne". La campagne présidentielle, s'entend. On suit les les candidats dans leurs déplacements (un peu comme "l'agenda du président" dans les républiques bananières) en évitant soigneusement tout sujet politique. Moments saillants : une bise de Bernadette à Sarko, et une citation coup-de-poing de Besancenot regardant se remplir une salle de meeting : "c'est chouette".

    C'est à 13h21 que vient le premier sujet de fond : "le pouvoir d'achat". Avec un reportage (que dis-je! une enquête) à Fougères (Bretagne). Quatre minutes de micro-trottoirs où la ménagère se défoule ("ah non vraiment, ça a augmenté"), au milieu de quoi la journaliste glisse une ou deux infos : la baguette a augmenté de 40% en 5 ans, l’énergie de 30%, le m² de 50%... La conclusion signale que "l’euro est le premier pointé du doigt" (surtout pour le logement, j’imagine) et que les différents candidats n'ont pas convaincu ces dames.

    Le "journal de campagne" se termine, il est 13h28 et je me dis que peut-être c‘est l’heure de délivrer une information. Mais non : viennent ensuite deux reportages sur l’option surf au bac à Biarritz et un passionné de petites voitures "à l’occasion du Salon du modélisme" (important, l’accroche d’actu, coco).
    Alors je décroche. J’y reviendrai peut-être, mais en différé alors, pour passer en accéléré.

    13h38 : je viens de rater la fin du journal, dommage. Sur l'écran une réclame Saupiquet succède à une pub Materne. Vivement l'Europe.
    Et bon week-end, Pascal.

  • Additif

    Ce soir, Gros blaireau est entré dans la rame. Avec son mini-lecteur CD qui crachotait du rap énervé.
    Il avait le look presque complet, chaussettes remontées sur le survêt, il lui manquait juste la casquette.
    Il avait aussi une bonne tête, tout de suite je l'ai trouvé sympathique. Peut-être parce que j’étais plus en forme qu’hier. Mais surtout à cause de ce geste discret, en se posant sur son siège : la main sur un petit bouton noir, je l'ai vu, il a baissé le volume. Magnifique.
    J’ai été déçu que les cahots de la ligne 4 m’empêchent d’entendre clairement les paroles de son rap.
    Salut à toi, gars.

    PS – les (vrais) musiciens de sous-sol, c'est dans les comms de la note précédente.

  • Carnet parisien

    Depuis de longues semaines des envies de voyage, sans perspective réelle. Une mollesse qui attendait mars, et qui squatte encore un peu.
    Trouver l’énergie de s’extraire du quotidien – juste une petite impulsion, pour sortir. S’aérer. Etonnant qu’il faille parfois se faire violence pour aller chercher la douceur.

    Et un soir, presque par hasard, se retrouver seul dans les rues d’un vieux Paris étonnamment désert, à marcher sans vouloir s’arrêter, le nez en l’air et les yeux qui disent "Quand même...", seul avec la ville.
    Une ville-musée, paraît-il. Mais que c’est bon de se promener dans les galeries d’un musée un soir de fermeture.
    Les envies reviennent, le printemps s’annonce beau.

    [un ordi s’éteint, un être s’éveille]

  • Drôle de titre pour une rencontre

    Au début, il n’y avait que mon titre de transport, celui de mon livre, un reste de fatigue et un quai en bout de ligne.
    La banquette, au fond, dans le sens de la marche. Le métro qui se remplit.
    Puis cette fille belle et froide qui s’installe en face de moi.

    Je me replie en souriant, elle allonge ses jambes sans un regard sur la droite, occupe l’espace. De son sac elle sort un livre de poche, j’ai à peine le temps d’en repérer l’auteur : Jean-Paul Dubois. C’est drôle, je pensais que c’était un auteur pour hommes, Dubois.
    Je change de position, histoire de prendre à nouveau mes aises et de voir le titre de son livre – mais au même moment elle écarte légèrement son genou gauche. Si je veux retrouver l’espace perdu, je dois aller au contact. J’y vais.

    Je frôle son genou en jean. Aucune réaction. Je n’arrive toujours pas à deviner qui elle peut être.
    (Seuls indices: Dubois, veste, maquillage léger. Finesse de traits et conscience de soi. Et surtout : les bottes sous le jean. Conclusion : complément d’enquête indispensable.)

    Deuxième frôlage de genou. Petit mouvement de son côté, un regard en douce, vite elle se replonge mais j’ai vu. Maintenant je m’amuse.
    En fermant les yeux je la vois mieux, beaucoup plus belle que froide en vérité. Elle doit être cadre depuis peu, peut-être un projet difficile à gérer mais elle tient, j’aimerais qu’une amie l’appelle sur son portable mais il est trop tôt.
    (Note dans le Cahier des désirs : suivre une inconnue au hasard, une heure, et laisser venir les idées)

    Mon genou s’enhardit, le sien reste ferme, nous voici tous deux plongés dans nos livres mais exclusivement concentrés sur ce petit espace d’hostilité entre nous.

    Deux stations plus loin nous ne sommes plus en conflit mais en équilibre. Précaire. Nos genoux se font mutuellement appui, si l'un de nous bouge la tectonique du wagon serait remise en cause, elle en est aussi consciente que moi, plus les stations passent plus le jeu devient piquant.
    Je viens de tourner une page pour donner le change, elle m’a imité aussitôt mais un peu tard, on ne reste jamais longtemps sur une page de Dubois.

    Arrivent les Halles, le jeu s’arrête, elle replie son livre, se lève, un « pardon » inaudible et là voilà debout.
    Je me lève à mon tour, nos yeux se croisent, très vite, puis elle descend sur le quai. Je sais qu’elle ne se retournera pas, les jeunes filles bien habillées ne se retournent jamais. Elle pense à son travail, notre petit jeu est loin déjà.

    Mais j’ai eu le temps de voir le titre de son roman.

    Si ce livre pouvait me rapprocher de toi.

    Je remonte dans la rame et me rendors.

  • Le lien social... dort sous l’attente

    Hier midi, Augustin Legrand en aparté.
    Il raconte son Canal à lui, la fraternité et l’alcool mauvais, les renaissances et les renoncements, la détresse morale et l’envie de pisser, les tentes et l’attente. Fort. Il n’est pas dans la communication, quoi qu’on dise, mais son engagement est communicatif.

    Il raconte que quand il est parti, en décembre, il avait obtenu de Borloo que des travailleurs sociaux prennent son relais pour tenir le camp – au moins 5 ou 6 gars, dit-il, pour éviter que tout parte à vau l’eau. Mais qu’à la place, on a relogé les sans-abri les moins désocialisés, ceux qui avaient pris des leurs responsabilités dans le camp, que pour les autres on a dépêché quelques guichets sur pattes qui n’ont pu que constater. Décalage. Car un ministre, tout Borloo qu’il soit, n’aura jamais à sa disposition des « gars » - juste des professionnels dûment formés et diplômés, des qui ont fait des maths et qui connaissent les procédures.
    C’était impressionnant, ce bon sens qui se heurtait à la machine étatique. Don Quichotte, vraiment.

    On se dit qu’il faut avoir le temps, mais on ment, bien sûr, c’est une question de courage. Etre assez fort un jour pour suivre un plus Legrand que soi, voilà une ambition.

    Plus tard, dans le métro, un vagabond insulte toute la rame en brandissant sa canette de 8°6. Il descend Gare du Nord, jette sa bière sur le quai dans un dernier juron. Je me retourne, ramasse la canette, la mets dans la poubelle. Quand je relève les yeux, je croise ceux d’un jeune type, qui me dit Merci. Peut-être parce qu’il est maghrébin, comme l’autre. Peut-être pas.
    - Je l’aurais fait, mais tu as été plus rapide, il ajoute.
    Je suis sûr qu’il n’en est rien, mais je sais exactement ce qu’il ressent.
    Alors, quand au bout du couloir il me tient la porte ostensiblement et m’oblige à hâter le pas, je le fais avec plaisir.

    Le soir. Ça n’était pas prévu mais nous longeons le canal, en route pour une soirée de jeunes entrepreneurs dans le vent, le genre qui a quelque chose à vendre et surtout soi-même.
    Près du campement tout est calme. De ce côté du trottoir, quand on passe au large, on ne peut pas imaginer ce qui se vit vraiment. Nous croisons quelques silhouettes fantômes, un Polonais anime son coin en faisant la manche avec des gestes italiens, un aviné quémande une clope. Calme. En marchant je raconte ce que j’ai entendu à midi, nous causons SDF et solutions, associations et relogements, conscients de la triste ironie de la situation lorsque nous refusons une sollicitation.
    Faubourg du Temple, au pied du distributeur LCL, un type est assis, fatigué, le regard dans le vague, tout semble las et surtout ce bras qui tient un mini-tupperware. Il ne demande rien, il y a juste ce bras. C’est lui qui aura ma pièce.

    Il y avait de la chaleur dans son Merci, nous avons échangé un « Bonne soirée », sincère mais dérisoire.
    Finalement nous n’y sommes pas allés, chez les yuppies, nous avons repris le canal, à rebrousse-poil, jusqu’à un café tout simple. Et, oui, j’ai passé une excellente soirée.

  • Le lien social... ne fait pas exprès

    Ce matin j’étais de bonne humeur, je marchais le nez en l’air en trouvant la ville jolie malgré le gris.
    Sur le chemin du retour, un objet est tombé non loin de moi, sur la chaussée près du trottoir.
    - Monsieur, vous avez fait tomber votre briquet, j’ai dit en souriant
    L’homme a eu l’air surpris, puis m’a remercié en ramassant son feu.
    Ce n’est que quelques mètres plus loin que j’ai compris qu’il avait simplement balancé par terre un briquet hors d’usage.

  • A la fenêtre (demain matin, peut-être...)

    Elle est à la fenêtre, encore nue, les mains sur le radiateur. Ses longs cheveux lui tombent dans le dos. La vue domine les toits, le soleil perce en noir et blanc, la photo est belle et elle est .

    Elle me dit « Regarde ce ciel ! » et moi je ne vois qu’elle.
    Du fond des draps, encore ensommeillé je parviens à articuler :
    « Je ne me souvenais pas que Paris avait un si beau cul. »
    Elle ne répond rien, ses épaules tressautent légèrement.
    « Tu es belle de dos, quand tu souris », je reprends.

    Elle reste à la fenêtre, je ne bouge toujours pas. Elle regarde la ville et je ne vois qu’elle, nous sommes loin mais nous sommes ensemble.
    Mon imagination caresse ses hanches, remonte le long des reins, redescend en mouvements très lents comme ceux que son bassin dessine maintenant en se frottant contre...

    Une longue minute s’écoule le long du radiateur.
    Je n'ai aucune envie de me lever.

    (Merci à Cali Rise)

    C'est malin, maintenant, j'ai envie de changer de lendemains matins.

  • Sans merci (ni pardon)

    Pour faire suite aux commentaires des notes précédentes, la courte anecdote de la semaine... Bon week-end!
     
    Dans la paisible queue du supermarché, j'ai fait tomber une pièce de monnaie.
    Devant moi, une quadragénaire un peu sèche mais très chic se baisse - gêné je voudrais génuflexer à mon tour, mais il est trop tard, elle est déjà presque au sol et je n'ai pas très envie de jouer à la pub Axe avec une voisine à tête de co-propriétaire.
    Elle ramasse la pièce... et tranquillement se plonge dans son sac à la recherche de son porte-monnaie. Je laisse passer quelques longs centièmes de seconde avant de réagir, Excusez-moi madame, mais en fait c'est moi qui... Alors elle me regarde, toutre pimpante, et dit "Ah pardon ça alors, comme ça m'arrive tout le temps... " Et elle me rend ma pièce comme si je venais de faire la manche.
    Parfois je me dis que les Mutants sont parmi nous.