J’ai écrit Hors jeu dans plein d’endroits, mais il est deux villes qui ont joué un rôle important – deux villes où je suis parti alors que le roman était bloqué, et qui ont su relancer l’écriture.
La première fois, j’étais parti sur un coup de tête en Belgique. Quelques aventures à Charleroi en guise de gymnastique, et les bars de Namur, où les serveuses sont aussi jolies que les bières d’abbaye, avaient accouché de cette idée de zone non frimeurs à partir de laquelle le livre devient correct qui m’avait ouvert tout plein de portes nouvelles. Un an plus tard, c’est à Mexico, au milieu des étudiants, que j’avais débloqué toute la fin du livre.
Un moment j’avais caressé l’idée de mettre leur nom, à ces deux villes, en fin de livre. "Paris, Namur, Mexico – 2003-2007", ça aurait pu en jeter. Mais bon.
Pour Truc N°2, trois villes ont déjà joué un rôle de déblocage (ça bloque beaucoup, oui). Mais "Paris, Hardelot, Sarreguemines", bizarrement, ça donne moins envie.
Alors on va repartir, mon cahier et moi, un peu plus loin pour prendre un peu d’élan. Vers l’Est, bien sûr, parce qu’il faut toujours du nouveau.
Bref tout ça pour dire que, fragile ou non, je me casse. Je vous enverrai peut-être une ou deux cartes postales. Peut-être pas.
A bientôt.
Si on voulait écrire un roman sensible sur l’immigration française des années 60-70 et les conflits entre la première et la deuxième génération sur fond de montée du racisme, il faudrait sans doute délocaliser l’action pour éviter
Si la vie n’était pas la vie, tu m’aurais déjà épousé, oui. Tu aurais pris mon frein à main et lentement tu l’aurais desserré. Je partagerais ma vie entre Paris et le reste du monde, tu partagerais la tienne entre moi et quelques autres auxquels parfois tu résisterais, en songeant aux aventures que je repousse en pensant à toi. En prenant le chemin du retour je ne dirais plus « je rentre à Paris » mais « je reviens vers elle ». Nous habiterions un immeuble au cœur de la ville, sur le même palier mais pas sur le même appartement. Tu ne me dirais rien de tes amants, et tout de tes amantes. Grâce à toi les mots me viendraient plus facilement, tu serais ma muse et écrire nous amuserait – et vivre, encore plus. Je ferais mine de résister quelque temps mais nous les aurions, ces deux enfants, et pendant quelques années nous verrions le monde à travers leurs yeux frais. Puis l’aventure reprendrait de plus belle, parce que nous aurions pour un temps décidé d’être immortels. Un jour nous finirions par casser le mur entre nos deux appartements. Assagis nous y lirions beaucoup, mais les moments les plus délicieux seraient quand tu me lirais ces livres que tu écris en secret pendant que je. Plus tard encore nous découvririons les joies de la nature, nous jouerions encore à nous séparer quelque temps pour mieux nous retrouver, la flamme brûlerait encore, et nous parlerions du monde comme deux gamins tandis qu’avec nos lunettes à double foyer nous regarderions dans la même direction.
Et voilà. On cherche les idées, on tourne autour, on tourne tout court, on agence, on scénarise, on coupe, on rafistole, on finalise et un jour, hop ! la perfection, ou presque.
