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Second Flore - Page 29

  • Rentrée (en douce)

    Ah, on en a lu, des livres de la Rentrée.
    On en a aimé certains dont on reparlera peut-être ailleurs ("Tout, tout de suite" de Morgan Sportès, "Avant de disparaître" de Xabi Molia, "Assomons les pauvres !" de Shumona Sinha, "Retour à Killybegs" de Sorj Chalandon, "Galveston" de Nic Pizzolatto).
    On en a détesté d’autres dont il ne sera temps de parler que si par miracle ils font leur chemin dans le monde.
    On en a critiqué, même, parmi "ceux-en-vue" (qu’il soit permis d’écrire ici que "La question finkler" de H. Jacobson est verbeux au possible, et qu’il faut un certain toupet pour vendre 15 euros le dernier d’Ormesson, habile compilation d’écrits de Napoléon qui compte à peine plus de signes que l’Indignez-vous à 3 euros de Stéphane Hessel).

    Bref ! Pas grand’chose de très nouveau sous le soleil… Et soudain, après une pause à l’ombre d’une jeune fille en robe à fleurs, un livre d’il y a dix ans descend d’un arbre à lettres jusque dans notre chaise longue.
    "Europeana", ou la réécriture très (très) libre du siècle dernier sur notre vieux continent qui sait encore enfanter des langues nouvelles, sans virgules et sans pantalon.

    book_363_image_cover.jpg« [… Et l’on se demandait] qui était le plus avancé dans le processus de civilisation. Généralement on estimait que c’était les Français parce qu’ils employaient des imparfaits du subjonctif et des conditionnels passé et souriaient suavement aux femmes et les femmes dansaient le cancan et les peintres inventaient des impressions et des choses raffinées et modernes se passaient en France. Mais les Allemands disaient… » etc.
    (Patrick Ourednik, Europeana – Une brève histoire du XXe siècle - Allia, 2004)

    Louées soient les éditions Allia, dont les livres, qu’on se le dise, sont tellement plus beaux et souvent moins chers que la plupart des éditions de poche.
    Ils sont même très bons, parfois.
    Chapeau.

  • Il y a mille façons de voyager

    Il y a sûrement mille façons d’écrire un livre de voyages, aussi. Mais à en lire je note que certains archétypes se dégagent.

    Chez les Etonnants Voyageurs de Saint-Malo, le mois dernier, j’avais acheté le livre d’Aude Seigne, Chroniques de l’Occident nomade – le titre prometteur s’enorgueillissait du "Prix Nicolas Bouvier", j’ai eu l’intuition que ce livre pourrait me redonner des envies de voyager, ou d’écrire, ou les deux.
    Raté.
    J’ai commencé à me méfier sérieusement quand le deuxième chapitre a commencé par "J’ai besoin de dire le travail de la mémoire, le bruit du vase qui se vide" - je crois que je suis définitivement perdu pour la Littérature avec un L majuscule sur lequel l’éditeur a forcé le gras.
    A chaque page, on entend l’auteur crier Moi ! Moi ! Moi ! Regardez ! J’écris !  Elle promène son lecteur un peu partout dans le monde mais son nombril cache le paysage.
    Dommage.

    touriste.gifEnervé mais opiniâtre, j’ai ouvert Touriste, de Julien Blanc-Gras. Trois ou quatre pages d’introduction, un peu comme on attend dans le hall d’un aéroport, puis le livre a décollé, et moi avec. Au Brésil, à Tahiti, en Angleterre, à Madagascar, au Guatemala ou dans un hôtel-club à Djerba, j’ai suivi l’auteur, regardé là où il me montrait des choses que je n’aurais pas vues sans lui, j’ai souri, tremblé, ricané, j’ai pris quelques notes. Voyagé, en somme.
    Julien Blanc-Gras ne crie pas. Parfois le petit clin d’œil qui fait le malin (je crois qu’il est malin), mais surtout la voix tranquille du type qui, une caïpirinha à la main, vous dit Tenez, si vous voulez, j’ai une histoire à vous raconter, se glisse entre les lignes et tourne le regard vers l’extérieur plutôt que vers l’intérieur.
    A la fin j’en sais sans doute autant sur lui que sur Aude Seigne, la découverte et le plaisir en plus. Merci.
    n

     Il y a encore une autre voie, celle de l’expérience. Créer la situation, sortir de chez soi mais aussisortir de soi. Se mettre en danger, dira le cliché. Certains s’en sont fait une profession. On vient de me donner le livre de Sylvain Tesson – Dans les forêts de Sibérie –, je m’en vais découvrir ça. 
    La 4e de couverture se termine ainsi : "Tant qu’il y a aura des cabanes au fond des bois, rien ne sera tout à fait perdu".
    Mais nous ferons comme en voyage, nous partirons sans a priori.

  • La débutante et le blanc-bec

    Château Rouge, 1h17. Depuis Barbès je rentre à pied vers la Porte. Du côté droit – celui du Vanoprix incendié, celui des bancs publics, des trafics, de l’épicerie, de la piste cyclable et des putes. En bas du boulevard j’ai croisé la première, une grosse quadragénaire, qui semblait me parler – Mais si,viens, chéri - mais qui ne regardait qu’elle, et le trottoir.
    Maintenant elles sont quatre, plus jeunes, sur la bouche d’aération du métro, groupées autour d’un seul homme.
    C’est l’heure du briefing.
    Je passe tranquillement, coups d’œil fugaces. L’une des femmes, 25 ans peut-être, ressemble à la fière Meriem, une élève de nos cours d’alphabétisation. J’arrive à hauteur, soulagement idiot, ce n’est pas elle. Mais elle a détourné la tête du petit groupe, elle a vu que.

    Ça va ?

    La voix est étouffée, douce aussi, accompagné de cet œil fuyant qui dit Pardon en même temps.
    Rien du timbre franc de l’approche provocante de la professionnelle. Rien de la voix lasse de l’habituée, ni même la douce ironie de certaines rouées des boulevards qui savent bien que ce petit blanc-là n’est pas client et qu’il en faudrait peu pour le faire fuir.
    Rien non plus de l’appel subliminal au secours (et quand bien même…), plutôt un appel à l’échange perçant timidement sous la contrainte.
    Le "ça va?" raté et touchant de la débutante.

    Mon "bonsoir" aura sans doute été hésitant, le sourire franc sûrement barré par cette moue un peu conne qui dit Désolé, pour ça et pour tout. Je n’ai même pas osé penser "bonne nuit".
    Un peu plus loin un autre briefing, puis des hommes en goguette. Marcadet-Poissonniers marquera la limite, après cela Paris dort, il se lève tôt.

     _
    PS - Au fait, Axl, j’ai enfin retrouvé la dernière phrase de B.a.-ba.
    Il n’y a pas de recette et l’appétit vient en mangeant.
    Bon appétit.

    PPS - Et ce lien qui na va nulle part. Envolées, les archives 20six. Disparue, la petite putain de Zagreb qui appelait muettement à l'aide. Fugacité du deuxpointzéro. Snif.

  • Une solution pour effacer la dette

    7h13. Brouillard matinal. Radio. Effervescence dans la voix de Patrick C.

    ... C'est maintenant l'heure de notre débat éco. Nous avions prévu de parler de la dette, mais c'est pas nous qui commandons, hein, c'est l'actualité (NB - c'est à ça qu'on reconnaît le service public ; ailleurs, on aurait dit "l'actu"). Alors donc, après ce rebondissement incroyable dans l'Affaire, que peut-on dire ce matin ? Dominique ?

    - Eh bien Patrick, on hésite entre deux attitudes. La première consisterait à ne rien dire parce qu'on ne sait rien. La deuxième serait de commenter joyeusement dans le vide comme il y a un mois, parce que ce serait plus fort que nous.
    [Ici la voix se suspend, Dominique s'apprête à se rebeller contre l'Actualité, attention, événement !]
    ... Et donc, de mon côté, je dirai trois choses...

    [bla, bla et bla] 

    - Et vous Bernard ?

    - Ah ben moi, tout comme Dominique. Ce que je retiendrai, aussi, c'est que...

    Et hop. Pas si compliqué, de réduire la dette.

    A l'heure qu'il est, Pascale Clarke doit recevoir "un proche de DSK". Il paraît que c'était passionnant, mais j'ai éteint la radio. M'en vais faire pareil avec l'ordinateur qui semble avoir de furieuses envies de vacances rebellion.

    Un ordi s'éteint, un être s'éveille.

  • 60 millions de commentateurs

    Note écrite la semaine dernière et laissée en plan pour raisons techniques
    C'est ça aussi, le recul sur l'actu.

    Pas facile de trouver sa voix.
    Certains passent leur vie à la chercher, avec plus ou moins de bonheur (pour les autres), d’autres préfèrent peinards emprunter la voix de quelqu’un d’autre. Celle de papa, par exemple, ou d’une autre personne qui nous aura marqué.

    Depuis l’explosion des médias, on peut aussi suivre la voix de quelqu’un de connu. Attention, il ne s’agit pas d’imiter, juste de s’inspirer. Un peu comme on adopterait le style vestimentaire de Curt Cobain, les moues étudiées de Lady Gaga ou la gestuelle gracieuse de 50cent.

    Evidemment, on adaptera ses modèles selon les circonstances.
    A l’écrit, on ne compte plus les écriveurs qui se sont "inspirés" du style Beigbeder – name-dropping, jeux de mots décomplexés, réflexions désabusées en passant, longs paragraphes faussement malins conclu par une phrase destinée à un dictionnaire de citations.
    A la limite, pourquoi pas.
    Et à l'oral...
    Ce dont je me suis rendu compte, cette semaine, c’est du nombre de personnes qui, à l'oral, empruntent des voix de commentateurs TV. Un formatage particulièrement pratique pour tous ceux qui n’ont rien à dire mais qui tiennent à le dire quand même.
    Exemple tout à l’heure sur un forum Internet, en regardant un match de Wimbledon, ce type qui a trouvé sa voix en suivant les pas de Lionel Chamoulaud :

    Soderling est tout prét de la corectionel

    (Merci, Knacki68)

    Et l’autre jour, l’exemple incroyable de ce jeune bcbg de 17 ans, président d’un syndicat lycéen, qu’interrogeait le journal de France 2, en pleine affaire du bac - écoutez juste quelques secondes et dites-moi que vous pensez à la même chose que moi :

    (NB – si vous avez tout écouté (j'en doute), vous aurez peut-être noté que contrairement aux apparences, sur la question posée il ne dit à peu près rien)

    Allez, nous voilà prévenus : les politiciens de demain parleront comme des journalistes de Capital.
    Vivement après-demain ?

  • Etonnants Voyageurs

    On1269533238_17930154_4-SAINT-MALO-T2-SUR-LA-CHAUSSEE-DU-SILLON-DE-SAINT-MALO-TRES-BELLE-VUEMER-plage-a-8-metres-Immobilier-1269533238.jpg m’avait déjà prévenu, que ce festival était spécial. Je m’en suis rendu compte dès le départ. 7h du matin, gare Montparnasse, et pas un écrivain pour râler – j’ai cru un instant que je m’étais trompé de quai.

    Dans le train derrière moi, une inconnue évoquait ses dernières productions. J’écris aussi de petites formats courts qui plaisent beaucoup, disait-elle.
    Dans le silence des siestes matinales montait aussi, depuis le siège de devant, la voix de Maylis de K., aussi incroyablement douce que sa plume peut être tranchante. Quand je t’ai connu, tu semblais triste, confiait-elle à son voisin ; je pensais que c’était cette soudaine médiatisation…
    Je suis resté sagement à ma place, mais j’avais choisi mon camp.

    Un petit tour sur les remparts de Saint-Malo, et zou, vers 14 heures commençait vraiment le salon.
    Je vous épargne les détails, mais en vrac, on retiendra l’accueil de la Droguerie de Marine (au plaisir!), les sourires bretons sur le stand, l’énergie tranquille d’Oxmo Puccino en milieu d’après-midi, les bonnes ondes charriées de bout en bout par les allées du festival, quelques lecteurs venus "spécialement pour vous" et d’autres, plus nombreux, arrivés là par hasard, attirés par une couverture, un titre ou des regards qui se croisent en silence, les bonnes ondes, toujours, et le plaisir étrangement renouvelé de la dédicace. Les yeux grands ouverts de David Vann, et le coucher de soleil au bord de l’eau. Manon Loizeau et les étudiants iraniens, un lundi matin, pour se sentir tout petit mais gonflé d’énergie. Le Muscadet, bien sûr, Madame France et Monsieur Robert, une grande blonde au comptoir et une petite brune au téléphone. L’Amérique et l’Afrique autour d’une douzaine d’huîtres. Et pour compléter le tableau, trois marins polonais s’effondrant en pleine rue vers 21 heures.

    Bon, ok, il y avait aussi un dimanche. Avec sa double gueule de bois. Ainsi donc, B.a.-ba  n’a pas eu le prix du livre Ouest-France, ce n’est qu’après coup qu’on apprendra qu’il s’en est fallu de peu face à Yahia Belaskri. Salutations tout de même aux jeunes membres du jury : c’était rafraîchissant de causer avec eux. Je suis à peu près sûr qu’à 18 ans, un sujet comme l’alphabétisation me serait passé bien au-dessus de la tête…
    Heureusement, entre deux aspirines et trois mouchoirs ce dimanche, il y a eu cette rencontre, salle pleine, avec l’italien Fabio Geda. Sujet du jour : les parcours des migrants (il a écrit l’histoire d’un jeune Afghan arrivé en Italie après 5 ans de fuite – lecture en cours), les cultures qui se mélangent (on en reparle), l’Européen du futur… et le football. Fabio me raconte qu’il joue dans "l’équipe nationale des auteurs italiens". Ha! Un championnat d’Europe est prévu en 2012. La France n’a pas d’équipe, paraît-il. Elle en aura bientôt une, je vous le dis.

    … Puis c’était déjà lundi soir. Un dernier verre d’eau, quelques idées de livres, des adresses mail notées sur des carnets de voyage et des promesses de revoyure. Et un dernier mot avant de monter dans le car avec Wilfried N’Sonde, qui faisait partie du comité de lecture du prix. Avec ce résumé lumineux : Si tu peux écrire une fiction avec l’énergie de B.a.-ba…
    Simple comme bonjour…
    Ça fait parfois bizarre, une évidence.
    Allez, salut.

  • Well...

    J'allais écrire quelque chose ici et puis je suis tombé sur ce reportage de Jean-Paul Mari à Duékoué, alors finalement, Paris, hein...

    Quelques minutes plus tard, on m'a envoyé le programme d'Etonnants Voyageurs, à St Malo, ce week-end. De quoi donner des envies de périgrinations sabbatiques pour quelques années.

    St Malo, ce sera aussi, je crois, la dernière étape du mini-tour de France de B.a.-ba.
    A moins, bien sûr, que la jeunesse de (Ouest) France réunie en jury ne lui donne un prix et ne lui offre une tournée bretonne.
    Verdict ce dimanche.
    Mais pour l'instant, vacances - et ça, ça n'a pas de prix.

    A bientôt.

    (PS - ah, si, quand même, juste pour prévenir. Je casserai la gueule au prochain qui me parlera de "décryptage de l'info". Voilà)

  • Allez hop, on y va (1)

    « Jamais la servitude n’aura été si volontaire. Comment en est-on arrivé là, à vouloir à toute force notre asservissement, à chérir nos attaches, à considérer avec indulgence hiérarchies, obédiences et diktats noués pour notre bien autour de nos vies comme autant de rubans de couleur destinés à nous faire oublier le cadenas en fonte qui les ferme (…) » 

    Anne Dufourmantelle, Eloge du risque