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Second Flore - Page 33

  • ... et la fête est plus folle

    champagne.jpg31 décembre, 20 heures, Daumesnil.
    Sur la ligne 6, c’est l’heure de pointe, toute la ville converge vers l’Etoile pour réveillonner. Assise dans un carré, une dame tient sur ses genoux un gâteau plus grand qu’elle. Son voisin se tasse pour laisser s'asseoir un enfant. Entre les deux carrés, un homme rondouillard, la trentaine. Il a l’œil noir comme son pantalon plein de poches, noir aussi comme son t-short qui moule une belle bedaine. Sa mâchoire est tendue, les traits sévères, le front animé de tics.
    Avant la place d’Italie, la rame retrouve une éphémère liberté de mouvement. L’homme en profite pour se pencher vers le sac posé à ses pieds. Il en sort une bouteille.
    C’est du Champomy.

    Bonne année à vous, et à toi.

  • Ainsi donc il existe

    , ce livre sur l’entreprise !

    J’en rêvais tantôt, G. me l'a signalé cet été.Pilhes%20-%20l%27imprecateur.jpg
    L’imprécateur.
    Enfin un livre qui met en scène une entreprise, une vraie, disait-elle. Avec un cadre, un vrai, un qui a la pétoche avant d’entrer dans le bureau de son patron, qui va manger à la cantine, qui méprise le nouveau du marketing et admire en secret le directeur général, et qui complote avec le directeur des ventes, en daubant sur ces jeunes recrues formatées que promeut trop souvent la maison-mère.

    Enfin une histoire racontée par un narrateur au premier degré, pas un vague faux-nez derrière lequel l’auteur pointe à chaque page, incapable de se retenir de nous rappeler qu’il est plus malin que ses personnages, tout pressé qu’il est de se payer le capitalisme dans une critique brillante et insignifiante comme une saillie anti-Sarkozy… Bref.
    Pour dénoncer, il suffit souvent de décrire, on devrait s’en rappeler plus souvent.

    Ainsi donc voilà M. le directeur adjoint des ressources humaines, affrontant coup sur coup une fissure dans les sous-sols, le décès soudain d’un haut-potentiel et un mystérieux rouleau distribué dans la nuit à tous les collaborateurs du siège – un texte tout à la gloire du directeur général sous lequel pointe le sarcasme. Et le bon directeur adjoint des ressources humaines de s’affairer, guettant la promotion…

    "Ceux qui, aujourd’hui, seraient outrés de compter de ma part autant de mensonges en si peu de temps doivent montrer de l’indulgence à l’auteur de ces lignes ; il accumule les circonstances atténuantes. En particulier, le ton que je m’efforce de retranscrire fidèlement était tout à fait normal en ce temps-là au sein des entreprises. Il ne trompait personne. Ainsi, les cadres réunis dans mon bureau ce soir-là ne croyaient pas un traître mot de ce que je leur déclarais au sujet de ce rouleau. […] En revanche, chacun me savait gré d’utiliser adroitement les règles de communication en vigueur à l’époque. Rien n’était pire en ce temps-là que d’avoir du talent ou de la perspicacité."
    (René-Victor Pilhes – L’imprécateur, p. 58)

    Dame ! On est en 1974, marketing et manager sont encore écrits en italique, le style et les personnages sentent bon la Société anonyme d’Eddy Mitchell, et tout ça n’a pas pris une ride.

    Veuillez m’excuser, j’y retourne.

  • Deux cons

    Ligne 4, Gare du Nord, 14h35.
    Les portes de la rame se sont refermées, le train ne repart pas.
    Crachotement dans le haut-parleur, la voix du conducteur depuis sa cabine.
    - Eh, vous arrêtez de bloquer les portes, là, dans la rame du fond ? Vous n’avez pas acheté le train !
    J’ai connu plus fin.
    L’arrêt se prolonge.
    - Bon l’abruti, tu la lâches, cette porte ?
    Maintenant c’est sûr, l’abruti ne risque pas de lâcher l’affaire. Question d’honneur. J'ai appris ça en psycho au CE1, mais les programmes ont peut-être changé dans la cour d'école.
    Entre temps des voyageurs nouveaux sont arrivés en courant sur le quai, ils ont rouvert les portes de la rame. Une minute Gare du Nord, ça en fait, du monde.
    - Moi je m’en fous, hein, dit le con devant dans son micro. J’ai tout mon temps.
    Le con derrière aussi, sans doute.
    La rame commence à être pleine, des voyageurs passent la tête à travers la porte pour voir ce qui se passe.
    - Rentre dans ta banlieue ! crie une femme noire qui a vu.
    Je reste assis tranquillement, je lis La mauvaise habitude d’être soi, de Martin Page, rien ne peut m’énerver.
    J’imagine le chauffeur à la cantine de la RATP, taillant une bavette avec le contrôleur qui l’an dernier m’a détroussé de 75 euros pour être entré dans la rame pendant le signal. Une seconde de perdue en station, etc. Ils doivent bien s'entendre, ces deux-là.

    Si les cons volaient, il y en aurait moins dans le métro. Ce serait dommage.

  • "Le nom des gens", c'est bien

    le%2Bnom%2Bdes%2Bgens.jpg... C'est tout ce que j’en avais lu, du coin de l’œil, sur les résosociaux™.
    Je ne sais pas pourquoi, dans ce "bien", j’avais lu un peu plus que "juste un bon petit film". Allez savoir.
    A quoi ça tient, finalement, le main-à-œil bouche-à-oreilles.
    Et quand C. m’a proposé d’aller le voir, j’ai dit oui. Sans hésiter, mais à une condition : ne rien savoir du film avant.
    J’ai bien fait – j’aurais sans doute moins goûté une ou deux surprises… Et j'aurais peut-être moins goûté tout court.

    Du coup, maintenant je peux le dire.
    Le nom des gens, c’est bien.
    Bonne semaine.

  • Ligne 12, 00h33

    C’est l’un des derniers métros vers le Grand Nord, la rame est fatiguée, semi-déserte. A Saint-Lazare montent quatre jeunes lascars : l’un fume, l’autre suce sa canette, un troisième tient le portable qui crachote une daube syncopée, le quatrième se tait mais le premier l’invective – eh, pédé.
    Changez rien les gars, le cliché est parfait.
    Une dame derrière eux s’en va s’asseoir au fond de la rame, elle descendra à Trinité. Les autres voyageurs s’en foutent un peu, résignés.

    Mon voisin descend à Pigalle, un couple sort aussi. Les banquettes sont maintenant libres. Celui qui fumait tout à l’heure s’installe à côté de moi, pieds sur la banquette [note pour un futur téléfilm : faire monter une musique d’angoisse]. Deux autres s’affalent en face. Le quatrième est resté en retrait. "Eh, enculé", dit le premier. Mais l’insulte est molle, elle sent l’habitude et la fatigue. L’autre se retourne. Il sourit. Il est plus jeune, 15 ans je dirais, et une vraie tête de petit malin. C’est lui qui me parle en premier.
    - Eh, Monsieur, pas vrai qu’on doit pas parler comme ça ?
    - Vas-y, bouffon !
    - Hein, M’sieur ?
    - Ben, non…
    Le petit m’a tiré un mot, il a l’avantage
    - L’écoutez pas, de toute façon c’est un gros con.
    A mon tour de sourire, les paumes en l’air. Il comprend.
    - Ah ouais, vous avez raison, pas comme ça.
    - Voilà.
    - Hey, M’sieur, vous avez pas un euro ? lance un des gars de la banquette d’en face.
    - On dit pas ça non plus, les gars.
    C’est le premier qui vient de parler. Il ne prend plus la pose. Spinoza dirait qu’on commence à composer. Il enchaîne.
    - Vous rentrez du boulot, Monsieur ?
    - Eh non, j’y vais.
    - Ah bon ? Mais vous faites quoi ?
    - Ben, j’écris.
    - Vous écrivez quoi ?
    - Un livre… (ok, je suis resté un peu dans la pose)
    - Ah ouais, et ça paie bien ?
    - Non.
    - Putain, c’est ouf, vous faites quinze ans d’études et ça paie même pas ?
    - Non. Mais j’écris des articles aussi, dans des journaux, ça paie mieux.
    - Ah bon.
    - Eh, Monsieur ? reprend le gamin, c’est quoi là, le truc que vous avez, sur le nez ?
    Je n’ai rien sur le nez. Il est un peu cassé, je le touche à l’endroit de la fracture, on pourrait se mettre à parler de foot mais apparemment ce n’est pas ça.
    - De l’autre côté, enchaîne mon voisin. C’est une cicatrice ?
    A sa voix je sens que le mot « cicatrice » est nimbé d’une aura glorieuse. Mais je ne me connais pas de cicatrice.
    Alors lascar n°1, celui qui fumait tout à l’heure et que je conchiais en silence, lève sa main droite, index en avant, et lentement l’avance vers moi. Contact.
    - Là…
    Tout à l’heure je regarderai dans la glace. Une toute petite trace rouge à la base du nez, à gauche. Ces gamins ont une vue perçante.
    - Vrai ? Vous saviez pas ?

    Mais déjà Jules Joffrin m’appelle. Je me lève, déçu d’interrompre l’échange (j’aurais pu ne pas).
    - Bonne nuit les gars.
    - Travaillez bien, Monsieur.

    Merci, mec. Merci, gamin. Je vais essayer un peu, rien que pour vous, tiens. Même si ce n’est pas très bien parti - je n’ai aucune envie de chercher une conclusion pour cette note.

  • Chère Ségolène,

    Bien sûr, tu es fabuleuse et tu représentes pour nous l’espoir malgré les critiques des machistes et autres pisse-dru.
    Evidemment, tu as eu raison d’annoncer ta candidature aux primaires au nom de l’unité.
    Heureusement, tu incarnes l’espoir d’une présidence moins narcissique, plus intelligente, une classe politique moins prompte à sauter sur le moindre fait divers pour s’indigner / compassionner / promettre d’un ton assuré que la République ne laissera pas faire ça / annoncer des mesures d’urgence.
    Et oui, les sondages on s’en fout, hein.

    Cela dit…

    Je lis ce matin dans le journal que ta candidature aux primaires socialistes est "désapprouvée par 63% des Français, mais approuvée par 57% des sympathisants PS".
    Dis-donc : il y a longtemps que je ne fais plus de maths, mais à vue de nez, ça veut dire qu’ils ne sont pas très nombreux, les sondés, à se déclarer "sympathisants PS", non ? Et mon petit doigt me dit qu’ils étaient quand même plus nombreux, disons, en 2006. Avant que...
    Mais surtout, continue. Je crois que la France a besoin de toi.
    L'intendance suivra.

  • Du mécanique plaqué sur du cliché

    "Le rire : du mécanique plaqué sur du vivant", écrivait Bergson.

    J'avoue que je n'ai jamais compris cette formule.

    Mais je viens de voir un épisode de Cold Case, d'un certain point de vue, c'est assez poilant.

    (J'ai arrêté de rire quand je me suis aperçu que la mécanique froide et insipide de cette série n'était pas plaquée sur du vivant, mais sur du cliché pur. Encore des scénaristes enfermés dans la caverne.
    Et toutes ces névroses us déversées à pleins tubes, ça fait bien plus froid dans le dos que tous les télégrammes diplomatiques de wikileaks)

  • Orthographe (la vie 2.0, un jour de pluie)

    Il n’y a pas que les mots, donc.
    Cela dit, on pourra dire ce qu’on veut sur le fait que les gens lisent de moins en moins, on ne peut pas nier qu’avec internet 2.0 et les sms 0.1, ils écrivent de plus en plus.
    Corollaire : l’orthographe se perd peut-être, mais elle est redevenue sacrément discriminante. En tout cas, pour ceux qui la maîtrisent. Une faute d’orthographe sur un blog / un mail / un forum / un post-it, c’est un bouton sur le nez. Plusieurs, c’est une grosse tache de graisse sur le col de la chemise. L’orthographe, c’est l’étiquette. L’outil ultime des appariements sélectifs.

    A cela, quand même, deux exceptions.
    D’abord les textos, parce que le Grand Collectif a acté qu’on avait le droit, sur son téléphone, d’écrire n’importe comment.
    Et les forums informatiques. Parce que vous avez beau être un gros snob qui survalorise l’accord du participe passé, quand votre ordi se rebelle, vous vous foutez bien de l’orthographe de celui qui vous offre une solution miracle.

    Ainsi donc, hier…
    Je remercie du fond du cœur Markus59, Ordifixer et Poupinette68 du temps qu’ils consacrent aux autres et qui me permet aujourd’hui de publier cette note.
    Et j’ajoute une dédicace pour X, encore en galère (il utilise des outils microsoft, le pauvre) et qui écrivait à 15h57 :

    Ça marche pas quand je clic deçu

    Bon, chez moi ça marche toujours pas, mais ça m’a détendu.