Ainsi donc, hier soir, sans le savoir, j’ai passé une heure et demie à un mètre et demi de Jakuta Alikavazovic.
Maintenant que je m’en rends compte, la frustration est intense.
Cela dit, finalement, c’est peut-être mieux comme ça.
Car si j’avais su…
Si j’avais su, qui sait, je me serais peut-être contenté, dans le flot des conversations de la soirée, de lui dire bravo, et merci, glissant en passant (en toute discrétion) un petit mot improvisé sur le livre avant de disparaître (avec classe, of course).
Alors peut-être nous aurions poursuivi (Vous partez si vite ?) et nous aurions parlé de Martin Page, d’encyclopédies et de pays qui n’existent plus – Et vous venez souvent, ici ?
… Mais plus vraisemblablement, je n’aurais pas pu m’empêcher. De lui dire combien j’avais été soufflé par le Londres-Louxor, d’abord. Qu’en rentrant de voyage, fin août, j’avais appris qu’allait sortir La blonde et le bunker, et que ça m’avait un peu consolé d’être rentré.
Bien sûr, je craignais que ce nouveau roman ne soit pas à la hauteur des souvenirs sublimés que je gardais du précédent - et me connaissant, j’aurais eu du mal à ne pas le dire. Mais je me serais empressé d’ajouter que sur ce point j’avais été rassuré dès les premières pages. Emporté dans mon élan, d’ailleurs, je n’aurais pas vu qu’elle cherchait désespérément quelqu’un à saluer dans la foule pour pouvoir se détacher de moi, alors j’aurais continué, maladroitement.
J’aurais été maladroit, parce qu’on l’est toujours dans ces cas-là, mais aussi parce qu’il n’est pas facile d’en parler, de ce livre. C’est à la fois un roman noir, un livre d'atmosphère, un traité d’art et un jeu de piste, dont on tourne les pages un sourire admiratif au coin des lèvres, heureux de tomber dans les pièges tendus par l’auteur, suspendu dans le temps et l'espace.
Elle m’aurait dit merci et rien d’autre, évidemment, car il y a rarement autre chose à dire, alors nous aurions partagé un bref silence un peu gêné, et quelqu’un enfin serait venu la délivrer.
Autant dire que finalement, oui, c’est peut-être mieux comme ça.
Je vous salue, Jakuta.
.
PS – comme J. Alikavazovic est à l’évidence une femme de goût, c’est dans un endroit singulier que je l’ai croisée. Le Thé des écrivains, qui vient d’ouvrir, accueillait une présentation du Roi pâle, de David Foster Wallace. Oui oui, lui-même. Un endroit où on aime les livres au point de ne pas les classer par ordre alphabétique, il faudra y retourner.
PPS – à propos de Wallace, si vous êtes encore là, allez donc voir cette belle interview de son traducteur, Charles Recoursé. L’homme qui aura consacré 1200 heures à la traduction du Wallace, et peut-être autant (la marque des grands) à douter de son travail. Chapeau bas, visage pâle !
les yeux dans l'eau, supplier Hélène de rester ici. Il a tant besoin d'une amie. 

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Depuis ma première bouffée de CO2 lundi sur le périph’, j’essaie de positiver en dressant la liste de toutes les bonnes raisons de revenir à Paris.
Les vignes sont en fleurs, les abricotiers commencent à donner, dans les prés les juments veillent sur leurs poulains et les taureaux broutent paisiblement. Dans les marais les oiseaux chantent, le soir tombé les grenouilles se reproduisent bruyamment et les moustiques viennent toquer à la fenêtre. Que c'est bon.