Fatigué d’être resté trop longtemps enfermé, je suis sorti hier voir la ville avant de la traverser de part en part. Trouver un peu d’air en sous-sol – j’avais oublié mon livre, j’étais prêt à accueillir la vie qui se présenterait.
Elle s’est présentée assez vite, d’ailleurs, sous la forme d’une jupe écossaise étonnamment laissée sur un siège. Faut revenir demain, elle va enlever le bas, m’a dit en souriant la Mama qui me rejoignait sur le siège. Elle lisait le torche-cul râpeux de Bolloré, Direct Matin – c’est quand même bien pratique d’être informé gratis, hein ?
Elle y aura peut-être lu cette fabuleuse légende – celle qui accompagne une photo de la présidente du Medef : "Laurence Parisot incarne une vision moderne du patronat". Ah, la légendaire indépendance du journaliste à la recherche de la vérité ! Sur la page d’à côté, la photo est légendée "Bertrand Delanoë, maire de Paris".
Un peu plus loin, un peu plus tard, tranquillement assis en fond de rame, je regarde les hommes tomber et les femmes sur le quai. L’une d’elles met un pied dans la rame, lève la tête, ressort – Putain, y’a trop de croque-morts ici ! Et elle monte dans le wagon suivant, avec ses cheveux en bataille et son discman dernier cri. Mon voisin a continué à faire la gueule, j’ai rigolé.
Non loin de là, deux jeunes collègues croquaient à pleines dents longues une vie sans goût.
… Arrête ton char, disait la jolie cadrette. La seule chose que tu lis, c’est la fiche de paie.
Et la ligne 8 a continué son chemin vers Balard.
Un livre sur le métro, sans doute pas. Mais écrire dans le métro, ça oui. Une idée en l’air. Elle se précise.