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Second Flore - Page 63

  • Un peu d’air en sous-sol

    Fatigué d’être resté trop longtemps enfermé, je suis sorti hier voir la ville avant de la traverser de part en part. Trouver un peu d’air en sous-sol – j’avais oublié mon livre, j’étais prêt à accueillir la vie qui se présenterait.
    Elle s’est présentée assez vite, d’ailleurs, sous la forme d’une jupe écossaise étonnamment laissée sur un siège. Faut revenir demain, elle va enlever le bas, m’a dit en souriant la Mama qui me rejoignait sur le siège. Elle lisait le torche-cul râpeux de Bolloré, Direct Matin – c’est quand même bien pratique d’être informé gratis, hein ?
    Elle y aura peut-être lu cette fabuleuse légende – celle qui accompagne une photo de la présidente du Medef : "Laurence Parisot incarne une vision moderne du patronat". Ah, la légendaire indépendance du journaliste à la recherche de la vérité ! Sur la page d’à côté, la photo est légendée "Bertrand Delanoë, maire de Paris".

    Un peu plus loin, un peu plus tard, tranquillement assis en fond de rame, je regarde les hommes tomber et les femmes sur le quai. L’une d’elles met un pied dans la rame, lève la tête, ressort – Putain, y’a trop de croque-morts ici ! Et elle monte dans le wagon suivant, avec ses cheveux en bataille et son discman dernier cri. Mon voisin a continué à faire la gueule, j’ai rigolé.
    Non loin de là, deux jeunes collègues croquaient à pleines dents longues une vie sans goût.
    Arrête ton char, disait la jolie cadrette. La seule chose que tu lis, c’est la fiche de paie.

    Et la ligne 8 a continué son chemin vers Balard.
    Un livre sur le métro, sans doute pas. Mais écrire dans le métro, ça oui. Une idée en l’air. Elle se précise.

  • Histoires d'amour

    "C'est comment, les livres d'amour ?
    - Ceux-là, je crains de ne pouvoir t'en parler. Je n'en ai pas lu plus de deux.
    - Ca ne fait rien. C'est comment ?
    - Eh bien, ils racontent l'histoire de deux personnes qui se rencontrent, qui s'aiment et qui luttent pour vaincre les difficultés qui les empêchent d'être heureux."
    (Luis Sepulveda, Le vieux qui lisait des romans d’amour)

    « Moi je veux lire un roman d’amour. Mais un beau, hein », me dit-elle.
    Pris d’une furieuse envie de biaiser, j’envisage un instant de répondre que tous les romans parlent d’amour – trop facile.
    Alors je plonge dans ma mémoire, je me dis que je dois bien lui en trouver une demi-douzaine qui vous transportent du début à la fin avec le sentiment pour seule tension, sans verser dans la guimauve (tiens, ça aurait pu être une question finale dans La Cible – citez-moi cinq romans d’amour en trente secondes)
    ... Et non.
    Si j’exclus les classiques-que-je-n’ai-pas-lus, je reste bloqué à deux : Belle du seigneur (Cohen) et Le chameau sauvage (Jaenada).
    Petit score. Si vous avez des idées, je transmettrai.

    *** 

    PS : il faut parfois longtemps de l’envie à l’action – je parle de livres, là, hein. Au moins dix ans que le titre du livre de Sepulveda me tentait, il fallait juste un déclic. Et ce fut une belle lecture nocturne. Merci à G., qui se reconnaîtra.

    PSS : presque rien à voir, mais soudain je repense à cette note… Joli souvenir. Et hop, un sourire.

  • Cartes postales du bout du monde (3)

    Egarée par la poste, retrouvée ce matin…

    De retour du bout du monde et de la solitude de la mer hivernale, j’aurais pu prendre en pleine face la foule grouillante de Porte de Clignancourt à l’heure de l’ouverture des puces. Mais non, en fait. Il a fallu attendre le soir pour que vienne le choc, en croisant boulevard Saint Germain la modernité triomphante toute en maquillage et sapes staïlées – fou comme ça sonnait faux.

    Dans les beaux quartiers de Paris des poupées bien nées ouvrent des blogs pour parler de mode et contempler leurs derniers achats. Au bout du monde, quand à la fin de la journée vous croisez (miracle!) une jolie blonde, elle sort de 24h de garde à vue pour avoir dévalisé, avec une copine, les boutiques de frusques du centre commercial voisin. Tristes poupées du bout du monde éblouies par les paillettes.

    [PS private : dans les bars du bout du monde, on se fait aussi humilier aux fléchettes]

  • Griot

    585402222.jpgLa voix du griot n’a pas d’âge, son enrouement c’est toute sa vie
    Proche des histoires qu’il conte à ses proches, car les beaux contes font les vrais amis.

    Résistant et irrésistible, le métissage franco-africain fonctionne toujours aussi bien.

    J'aime les filles de la Terre...
    J'déteste les femmes du monde 

    Il n’y a qu’un seul problème avec les concerts de Thomas Pitiot, c’est qu’ils font mal aux mains.

    (Pour de vrais détails, voir aussi chez l'ami Mandor...) 

  • Petite ceinture et grandes poussettes

    eff4bbfff4d25ec2d4dd183a42f2ed17.jpgDe La Villette à Porte Maillot, le PC3 traverse le Grand Nord parisien. Populations mélangées, colorées, peu de petites vieilles en tailleur, pas mal de poussettes. Et une frontière invisible mais sensible – celle qui sépare l’Est populaire et l’Ouest bourgeois, et qui passe, en gros, entre la Porte Pouchet et la Porte de Clichy.
    Et ce matin, Porte Pouchet justement, les deux mondes qui se confrontent.
    Le bus est plein sans être bondé, une jeune mère, arabe, va pour descendre avec sa poussette, mais elle se heurte à une vieille bique septuagénaire, bien blanche. Tension silencieuse, la jeune femme finit par descendre, et la vieille carne qui regarde à la ronde, cherchant la complicité des voyageurs : "Non mais elle pourrait laisser monter, quand même !"
    Les voyageurs de toutes les couleurs regardent leurs pompes pour ne surtout montrer aucun signe d’acquiescement. Je reste silencieux comme les autres. En fait, je pense surtout à cette quadragénaire montée dans le sillage de la vieille. Sa fille, manifestement, elle arbore le même nez pincé. J’aimerais savoir si elle a honte de sa mère, s’il est possible de se dégager de quarante ans de bourgeoisie raciste, si l’époque peut vaincre petit à petit les déterminismes sociaux.

    Sur le trajet du retour, combat de poussettes à nouveau. Des bambins pleurent, on se frotte un peu, on s’organise, il reste un peu de place. Porte Pouchet une petite voix m’interpelle, c’est une gamine de huit ans, dix ans au plus – S’il vous plait monsieur, ma maman va monter avec mon petit frère dans sa poussette. Et avec le sourire on se pousse pour laisser monter la petite famille. Je comprends bientôt que la mère ne parle qu’arabe, que sa fille lui traduit les inscriptions sur la porte.
    Merci Monsieur, me dit-elle quand je descends porte de Clignancourt.
    Merci petite, ma journée a vraiment commencé avec toi. Que la vie te protège des vieilles biques et autres bâtons dans les roues du bus. Que la force douce soit avec toi.

  • Deux voyages, encore

    d529c404f2ff05ef1c2e2c47e3776e46.jpgAu bout du monde, on peut enfin lire les livres qu’on n’avait pas le temps courage d’ouvrir dans le flot de la ville.

    Un jour en écrivant ici m’était venu l’idée que les grands livres sont ceux face auxquels le lecteur se sent tout petit. Dans mon bout de monde récent je ne me suis pas senti tout petit seulement devant l’immensité de l’océan (waouh, c’est beau), mais aussi devant deux livres :

    • Voyage d’un Européen à travers le XXe siècle, de Geert Mak – 1000 pages d’une histoire factuelle et humaine de l’Europe, de Verdun à Berlin en passant par Lisbonne ou Saint Pétersbourg
    • Une saison de machettes, de Jean Hatzfeld – récit de Hutus ayant participé au génocide rwandais contre les Tutsis.d25369069479ab9325b9fdf2bd2790cb.jpg

    Deux livres qui ne cherchent pas l’émotion (la valeur politico-marchande en hausse) mais qui permettent de comprendre, de se mettre à la place de. Et qui suscitent l’émotion, évidemment, sauf qu’elle vient à la fin – et de l’intérieur.

    Du premier je viens de parler plus longuement sur Strictement confidentiel, si ça vous intéresse (vous venez de cliquer ? vous avez bien fait).
    Du deuxième vous trouverez ici (toujours chez SC) les quelques extraits qui m’avaient donné envie.

     

    Je n’imagine pas que vous allez vous précipiter dessus – il m’a bien fallu un an pour finalement lire Hatzfeld.
    Mais un jour c’est sûr vous en entendrez parler, de ces deux livres. Le commentaire sera laudateur. Et vous vous souviendrez qu’on vous en avait déjà causé.
    Et là, peut-être, qui sait, vous partirez en voyage.

  • Cartes postales du bout du monde (2)

    Au bout du monde les gens se saluent quand ils se croisent.

    "Alors on travaille ?" me demande un beloteur qui vient fumer sa clope sur terrasse la terrasse fraîchissante.
    Je travaille, ou, sur une sorte de conte.
    - Un conte pour enfants ?
    - Non, pour adultes.
    - Ah ouais. Dis-donc. Et ça parle de quoi ?
    Alors je raconte, un peu.
    - Eh ben. C'est pas ma came, mais si vous devenez millionnaire, vous viendrez me payer une bière !
    Je viendra, oui - mais on aura fait pas mal de belotes avant, je crois. On continue sur autre chose, il écrase sa clope dans le grand cendrier.
    - Bon, ben, bonne chance hein !
    Bonne chance, oui. Merci, gars. 

  • Cartes postales du bout du monde (1)

    On commencerait juste par cette image – le bout du monde en février. Une plage, un ciel bleu malgré le froid, personne aux alentours, la mer au loin (très loin) à marée basse, et entre les bâches des pieds qui sentent la liberté et qui, tout en gardant le pas léger, écrasent avec délectation des coquillages sur le sable dur.
    Dur.

    Petit à petit on se rapproche de la mer, le bruit des vagues vient crescendo – le bruit des vaguelettes, surtout, tout juste bonnes à créer des sensations pour un Playmobil surfeur.
    Les vagues, donc.
    Au bout du monde on se rend compte de choses essentielles que la ville noie sous ses impératifs productifs. Par exemple, que l’homme n’est pas le seul animal qui aime jouer dans les vagues au bord de l’eau. Il y a aussi de petits oiseaux blancs, comme des mini-mouettes qui se rassemblent en colonie pour courir avec leurs mini-pattes en lisière de mer, s’amusant à défier les vaguelettes qui viennent mourir à leurs pieds. Quelques téméraires parviennent à rester sur leurs pieds en enjambant la vague, tandis que la plupart s’envolent en groupe, pour revenir l’instant d’après, au même endroit, pour affronter la vague suivante.
    On s’amuse d’un rien, au bout du monde.
    Et c’est bon.

  • Bref

    Parti pour une semaine au bout du monde. C'est fou comme avec Internet le bout du monde s'est rapproché de nous - suffit de trouver un endroit non connecté.)
    Avec en tête ces quelques lignes :

    « Le récit bref, qu’on peut préparer pendant des mois, doit être écrit d’un seul tenant, dans l’ivresse et la fièvre, peut-être la grâce, sans retour ni repentir, sur la corde raide. Cette mise en risque ne permet que l’échec (la plupart du temps), ou la merveille d’une cinquantaine de pages retombant sur leurs pieds, comme tissées d’échos, nécessaires. Et la moindre fausse note précipite l’ensemble au panier. Le bref ne se rattrape pas. »
    (Pierre Michon, Le roi vient quand il veut)

    Bref… Y’a plus qu’à.