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Second Flore - Page 65

  • Eternité de la tendance

    Après avoir lu pour la dixième fois le mot "tendance" sur la plage de surf où je bronzais hier soir, j'ai arraché la prise de mon modem.
    Puis au creux d'une vague d'un livre je suis tombé sur cette citation.

    "A la lettre nous fleurions le vent avant qu'il eût passé la frontière, parce que nous vivions constamment narines tendues. Nous trouvions le nouveau, parce que nous voulions le nouveau, parce que nous avions faim de quelque chose qui nous appartînt et n'appartînt qu'à nous, non au monde de nos pères." (Stefan Zweig, Le monde d'hier)

    Zweig parle ici de Vienne au début du XXe siècle, où l'impasse politique ne proposait comme recours que "la fuite dans l'art ou dans l'intériorité".
    Peut-être que tous les débuts de siècle se ressemblent, finalement.

  • No et moi et moi

    33d5d8451c5a5613b1a1d2db8db4506e.jpgEtonnant comme parfois les critiques positives glissent sur nous. Depuis quelques mois je n’en avais entendu que du bien, de ce livre, j’avais rencontré son auteur qui m’avait laissé une belle impression, et puis non, je ne pensais pas à lire "No et moi". Sans raison particulière.
    Alors qu’il suffit de quatre pages pour entrer dedans et savoir qu’on n’en sortira qu’à la fin - et peu importe qu’elle soit prévisible quand le chemin est écrit juste.

    C’est facile, en fait, la fameuse "chaîne du livre" : quelqu’un écrit un roman, quelqu’un l’aime, quelqu’un le conseille, quelqu’un l’offre. Et on recommence…

    Salutations à la demoiselle du train Paris-Montpellier qui lisait délicatement par dessus mon épaule. Si j’avais commencé ma lecture plus tôt, j’aurais eu un franc plaisir à vous l’offrir.

  • La visite de la fanfare

    5a143d049754503723d347113893ed11.jpgOn peut souvent mesurer la qualité d’un film au temps que les spectateurs mettent à quitter la salle après la séance.
    Mais je n’aurais pas imaginé deux centaines de Parisiens restant pieusement sur leur siège, dans le noir, à regarder défiler des caractères hébreux sur fond de musique arabe, jusqu’à la fin du générique. Avant d'applaudir lorsque les lumières se sont rallumées.

    Comme quoi..; Quelques belles idées, un anglais de bazar, une âme pour porter le tout, et hop! c'est un beau film.

    Joyeux Noël, comme on dit.

  • Laissez, ça va passer

    26515484a5d42d962e859f05cef8466f.jpg Je me souviens de journaux télévisés dans des pays du tiers monde : la télé d’Etat suivait scrupuleusement l’agenda du Président, puis celui des ministres en cour avant d’enchaîner sur une jolie fiction porteuse des hautes valeurs du pays.
    Plus besoin de voyager maintenant pour avoir ce petit folklore – l’habillage est plus moderne, on y voit aussi la favorite du monarque (au nom de la modernité), mais le tout est aussi fabuleusement kitsch.

    Mais j’oubliais : ici la presse est libre. C’est sans doute pour ça que tout à l’heure sur la banquette de métro s’étalait une photo en Une, avec ce titre subversif : « Fillon, l’efficacité tranquille ».
    Ouf.

    (Juste en passant, une micro-remarque : dans toute la Mickey parade actuelle, la pauvreté des scénarios qu’on nous propose – « la nouvelle favorite », « bientôt le mariage? » et cie. Les journalistes échotiers connaissent pourtant bien le pedigree des deux protagonistes. Entre celui qui a conquis le pouvoir pour satisfaire ses pulsions narcissico-sexuelles et l’égérie qui s’est tapé tout Paris, on pouvait imaginer plus amusant ou alors, surtout, s'en foutre. Dommage. Les spécialistes de cinéma ont raison : on manque vraiment de scénaristes inventifs.)

  • Bleu comme une carte

    Paris, Belleville, 4 heures après minuit, 4 degrés sous zéro. Depuis trois jours mon téléphone d’homme Neuf se refuse ostensiblement à fonctionner et ça m’énerve. Tout à l’heure un distributeur m’a refusé un retrait mais ça ne m’inquiète pas encore.
    Sauf que son frère, là, me fait la même réponse. Pour le taxi, on oubliera. On serre un peu plus l’écharpe, on bénit Vélib et gaillardement on se lance vers une borne pour l’opération un euro – un vélo – une rhino. Insérez votre carte, me dit la borne. J’insère. Composez votre code (vite, j’ai froid).
    Paiement refusé. Aucune transaction ne peut… etc. Un euro, putain, un euro et mon lit.
    Je retente un peu plus loin, la machine est tout aussi bornée. Un euro.
    Alors bizarrement je repense à Cercle dont me parlait V., Cercle et la tyrannie du Chiffre – le chiffrage qui absorbe les corps. Je pense au passage que je voulais mettre en note ici, je me demande ce que j’ai bien pu faire de la feuille volante sur laquelle je l’avais notée. Je me demande si un type qui perd toujours ses affaires est un loser, et surtout je pense qu’il fait froid, qu’il me reste encore cinq kilomètres à vol d’oiseau, et que je ne suis pas un oiseau.

    Pourtant il est temps de s’y remettre, aux feuilles volantes.

  • Décalage horaire

    Depuis le début du vol une hôtesse sadique a flanqué à ma droite une grosse agitée. Elle a puniaisé sur le dos du siège devant elle la photo de ses petits-enfants, elle hoche la tête de tous côtés, guettant le moindre petit bout de regard pour partager son malheur – « Regardez ce que je laisse là-bas ».
    Jusqu’ici David Lodge m’a aidé à supporter l’idée de sept heures collé à cette place, mais la jeune grand’mère est active et ne cesse de bouger. Autour de nous tout l’avion dort en matant une daube hollywoodienne, j’ai rangé Lodge, inch’Allah, mais toujours un pied ou un coude me fait sursauter juste au moment où je pourrais enfin sombrer.

    Puis soudain mon supplice chinois ne bouge plus. Je m’attends à un ronflement mais non, alors je trouve vaguement une position, je m’abandonne et…
    … Et alors depuis une rangée devant nous monte une lente plainte enfantine. Euu – oo – iiii – euh
    La plainte se fait plus forte, on reconnaît les mots d’un gamin de 5-6 ans.

    J’veux dormiir…

    Pauvre gars Petit salaud. On referme les yeux, il va bien finir par s’arrêter, des paroles vont sûrement le bercer et nous avec mais non, la plainte va crescendo, maintenant le gamin hurle à s’en faire péter les cordes vocales.

    J’VEUX DORMIR !

    Faites le taire, bordel. Dans un moment d’humanité on essaie de ressentir un peu de compassion pour le père célibataire qui fait ce qu’il peut. On se concentre pour ne surtout pas croiser le regard de la grand-mère à côté… Puis une pensée finit part nous attendrir : l’intuition qu’à ce moment précis on partage un même pensée avec tout l’arrière d’un 747 – l’envie froide de fracasser un putain d’extincteur sur le crâne d’un gamin de six ans.
    Je crois que je suis fatigué.

  • Vacance(s)

    Allez, un petit dernier pour se sentir encore un peu loin…

    Le miracle des vacances se résume en deux images :
    1. Roissy, terminal C, un jeune type impatient passe quelques derniers coups de fil dans le hall de l’aéroport, lit le journal en regardant l’horloge murale à chaque fin d’article.
    2. Le même dix jours plus tard, dans un autre aéroport où on l’a convoqué deux heures avant le décollage. Il ne subit plus l’attente, il s’en fout. Il ne lit plus le journal, il est plongé dans un livre. Il ne regarde plus l’horloge, il regarde les gens.
    Voilà.

    Merci à Benoît Luciani et à David Lodge d’avoir accompagné mes deux voyages.
    320f7e827adbbfd9da5f943cdcfa8677.jpgBenoît Luciani a écrit Mise à mort – un parfait mini-thriller, plongée intelligente dans le monde du poker et qui ne se termine pas par un All-in retentissant où une quinte flush bat un carré. Mes vacances ont commencé à l’heure pile où, une daube hollywoodienne au-dessus de ma tête, j’ai sorti le livre de mon sac. Deux heures après, point final, sourire, Paris était loin et le portable éteint.

    1e429d5b36a893d6f569bc19ea702b3e.jpgDavid Lodge a écrit L’auteur ! L’auteur !  Henry James essayant de devenir auteur dramatique dans l’Angleterre victorienne, par un auteur très inégal, c’était un risque. Mais bien vacancé on prend souvent les bons risques. 500 pages d’affilée dans l’avion du retour (tiens, je vous en recauserai), merci M. Lodge.

    Mesdames et Messieurs nous allons maintenant entamer notre descente vers Roissy-Charles de Gaulle. La température extérieure est actuellement de…

  • Cartes postales de Montréal (3)

    Après l’art contemporain, Montréal surréaliste

    17/11 - Supermarché Metro
    Dans les rayons, une rangée de soupes Campbell attire mon regard. Hommage à Warhol, je m’arrête, en prend une spécial micro-ondes, repère une indication en encadré :
    "Mise en garde : le contenant et le contenu sont CHAUDS une fois chauffés"
    Sic.

    19/11 - Centre ville
    Une entrée de parking, et cette inscription :
    "Entrée réservée aux véhicules se garant sur le toit."
    Une ou deux fois par an, oui, je regrette de ne pas avoir d’appareil photo.

    20/11 – Parc Lafontaine
    Il a commencé à neiger sur Montréal, les lacs sont gelés, les parcs déserts… Quoique. Sur ma droite j’entends des cris, je lève la tête : personne. Ou presque. Car à vingt mètres de moi, abandonnées, huit poussettes de compèt’, genre 4x4 pour nourrisson, sont garées bien en rond. Les mamans sont un peu plus haut, dans la pente, c’est elles qu’on entend – elles font du step avec une coach survitaminée.
    Puis un coup de sifflet, bref, et les mamans retournent aux poussettes. Bien alignées elles font maintenant le tour du lac en levant haut les jambes – et une, deux ! crie la coach, et de temps en temps elles lâchent la poussette pour jeter les bras en l’air.
    La chorégraphie surréaliste est digne des premiers Avengers. Si on devait reprendre la série dans les années 2000, je nicherais une société secrète dans une salle de sport. Ou dans un cours de gym post-natale.