Il y a des livres comme ça qui vous tombent dans les mains pile au moment où vous en avez besoin.
Depuis des semaines, j'étais englué dans une histoire où je ne m'amusais plus. Moment classique dans l'écriture : le propos (ce que toi, petit auteur, tu crois devoir dire au monde) prend le pas sur la narration, tout devient un peu trop long – les phrases, les paragraphes et plus encore le temps qu'on y passe. Bref : j'étais bloqué.
Alors, comme un cadeau, m'est arrivé ce livre de Martin Millar – un auteur écossais dont, je l'avoue, je n'avais jamais entendu parler.
La couverture était parfaite, comme une promesse de dérision et d'intelligence. Et la promesse est tenue dès le premier chapitre.
Mais il faut quand même que je vous raconte. Le livre se passe à Athènes, en 421 av. JC. La guerre avec Sparte dure depuis dix ans, une Conférence de paix est prévue pendant les fêtes de Dionysos... Mais généraux et marchands d'armes complotent pour faire capoter les pourparlers : ils ont payé Laet, la déesse de la bêtise et des mauvais choix, pour qu'elle sème chaos et bellicisme dans la Cité. Le camp de la paix, lui, doit bricoler. Pour contrer l'influence de Laet, Athéna n'a pu trouver qu'une Amazone belliqueuse et peu stratège, et une nymphette un brin volage et très naïve, dont le seul pouvoir (tremblez guerriers!) est de faire pousser des boutons d'or.
Pendant ce temps, Aristophane, le dramaturge grognon, compte bien gagner le premier prix de comédie avec sa pièce intitulée La Paix mais rien ne se passe bien pendant les répétitions, et la tension monte : car du succès ou de l'échec de sa pièce pourrait bien dépendre le sort de la guerre...
Et voilà. Mon résumé est trop long, l'histoire peut sembler compliquée. Elle ne l'est pas. Elle ne l'est pas parce que Martin Millar s'y entend comme peu d'auteurs pour rendre tout limpide, variant les points de vue dans des chapitres courts, se concentrant sur l'essentiel, et surtout sur ce qui peut faire rire, sans jamais perdre son fil (son côté Thésée, sans doute).
C'est ainsi qu'on suivra les répétitions de la pièce d'Aristophane, les discussions du peuple dans une taverne, les amours déçues d'Aristophane avec la plus belle courtisane de la ville, les tribulations d'un jeune poète qui désespère de faire entendre ses vers, le duo de l'Amazone et de la nymphette, les coulisses de la conférence de paix...
… Mais ce n'est pas en en disant plus que je vais convaincre qui que ce soit.
La déesse des marguerites et des boutons d'or, c'est un voyage dans l'Athènes antique ET une farce politique, à la fois très terrienne et spirituelle, où les résonances avec aujourd'hui fonctionnent parce qu'elles ne sont jamais soulignées.
Bref, un livre parfait, que j'aurais pu dévorer mais que j'ai dégusté pour que l'écriture en cours s'en imprègne, comme si j'attendais un miracle qui remettrait ma narration sur de bons rails.
C'est réussi.
Merci.
Sur ce, je viens de voir que l'auteur a publié d'autres romans chez Intervalles, dont ces Petites fées de New-York préfacées par Neil Gaiman himself. Je cours l'acheter, je sens qu'il aura les mêmes pouvoirs magiques.
PS - J'allais oublier : la traduction (de Marianne Groves) se met magistralement au service du texte. Après plusieurs expériences gâchées par des traducteurs peu inspirés, ça fait du bien.