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Second Flore - Page 13

  • Du vrai avec des mots

    déchargeurs, un obus dans le coeur, mouawad, bacquetVu Un obus dans le coeur, de Wajdi Mouawad, hier aux Déchargeurs. Avec le très bon Grégori Bacquet seul en scène, tout en incarnation et changements de rythme. Le genre de pièce qu'on recommande, autant que le roman dont elle est tirée, Visage retrouvé, mais à vrai dire les deux se renforcent l'un l'autre.

    Visage retrouvé, c'est l'un des premiers livres que j'ai lus après les événements de 9782742788446.jpgjanvier, sans raison particulière sinon qu'il était là, mais au moment de le finir j'avais perdu le goût de parler de livres. Allez savoir. Mais j'aurais dû, au moins quelques lignes.
    Parce que Wajdi Mouawad est l'un de ces auteurs qui, dans un univers où règne le second degré permanent (qui peu à peu se laisse grignoter par un militantisme radical aussi peu réjouissant) - un de ces auteurs, donc, qui affronte sans biais ni préjugés les thèmes les plus profonds : la vie et la mort, la guerre et la mère, l'enfance et l'âge adulte. Ce que c'est qu'être un homme, au masculin ou au féminin.

    Pendant une des rares pauses du spectacle, je me suis demandé ce que je trouvais de si fort chez Moawad, dans ses livres et surtout dans ses pièces. Ce qui fait que ses mots accrochent, alors que chez tant d'autres ils ne font que glisser.
    Et puis j'ai trouvé ça : Mouawad fait du vrai avec des mots, et pas des mots avec du vrai.
    Ça a l'air de rien, mais ça change tout.

    Oh, et dis-donc : on me glisse dans l'oreille que Un obus dans le cœur se jouera aux Déchargeurs tous les lundis de juin. De rien.

  • Un dimanche au Salon du livre

    salon du livre, 2015, auteurs, harlequin, gallimard, intervallesCe n'est pas que je boycotte, mais je n'étais pas à l'Inauguration du salon, jeudi soir. Je n'étais pas non plus à la manifestation des auteurs du samedi, et c'était encore moins du boycott, mais voilà, je chargeais des moulins à vent au pays de don Quichotte, à rêver de châteaux en Espagne qui auraient trois pièces dans le quartier de Lavapies.

    Et puis dimanche, à la descente d'avion ou presque, je suis allé porte de Versailles, pour saluer des amis, pour découvrir des nouvelles choses, humer l'air du temps.
    Bref, pour voir.
    Et j'ai vu, donc : les yeux brillants de l'éditeur d'Intervalles parlant de Terzani, le feu sacré dans la voix d'une éditrice de FLE, une jeune auteure qui rayonne sur son stand avant de bientôt rayonner dans le monde, une autre qui vient de commencer un nouveau roman, et des idées qui s'échangeaient, et des sourires bonhommes. J'ai vu aussi les mines renfrognés d'éditeurs inméconnus relégués au fond du salon et qui mangeaient seuls un maigre sandwich en jurant sans doute qu'on ne les y reprendrait plus. Figures classiques.

    Mais si je devais retenir trois images symboliques de 2015, ce serait celle-ci :
    - la (longue) queue pour les dédicaces Harlequin qui finit par empiéter sur le stand Gallimard
    - le petit Eric Zemmour traversant le salon comme la vie, sans regarder autour, entouré de ses gardes du corps et des perches des télés
    - ... et puis cette éditrice littéraire dans une maison de comptables, consolant ses auteurs tandis que, sur le même stand, plus de cent personnes faisant la queue pour faire signer le livre d'Ingrid Chauvin.
    Moulins à vent, moulins à vent...

    Ah, et il y avait cela, aussi : une appli smartphone pour scanner ta bibliothèque et rencontrer des lecteurs/lectrices de Laclos ou Koestler, et plus si affinités. Booxup n'est pour l'instant disponible que sur iphone ; en attendant, si tu es android, je t'embrasse.

  • Gloire à toi, Angéla Morelli

    Du temps où l'on bloguait, épisode n-1

    ... Ainsi donc, les Harlequinades avaient été une pochade. Rien de plus, sauf que c'était une de ces pochades partagées qui lancent des mouvements.
    Le mouvement d'abord, le projet ensuite, tu t'en souviendras ?
    Et le projet, en l'occurrence, c'était de se faire plaisir, jouir sans entraves de la blogosphère comme au premier jour, sans se soucier des statistiques, de son petit ego numérique et des débats 'blogueuses vs vrais critiques'.
    Pour nos héroïnes, ça commençait par lire ce qu'elles voulaient. Il y avait aussi une énergie plus profonde, un mouvement de choix personnels dont elles parlaient parfois entre elles, à mots couverts sur la toile, ou le soir devant des mojitos très vrais.
    Faire ce qu'on veut, quand on y pense, on n'en a pas si souvent l'occasion. Et pour beaucoup d'entre elles (que dis-je : d'entre nous) il est certain que ce petit monde qu'on avait créé a aidé. On est toujours plus fort(e) pour bouger quand on sent les amis qui poussent derrière - fussent-ils virtuels.
    Il y eut des reconversions professionnelles, des bébés, des déménagements. Des deux organisatrices des Harlequinades, l'une quitta bientôt Paris, et l'autre se retrouva en lien avec un des concurrents d'Harlequin, qui lui proposa la traduction d'une série copiée sur inspirée de 50 shades. Traduire, elle aimait ça. Le olé olé aussi.
    ... Et c'est ainsi que Happy Few devint Angéla Morelli.

    Elle blogua de moins en moins, puis finit par fermer son blog : pour le mouvement et les copines, facebook avait pris le relais.
    angéla morelli, harlequin, homme idéalElle était prof le jour et traduisait la nuit, et pendant les vacances scolaires l'envie d'écrire la titillait de plus en plus. Jusqu'à ce qu'un jour elle s'y mette, pour voir. A la fin des vacances, elle m'a montré ce qui était alors une moitié de roman(ce). Elle avait écrit en quelques semaines, et c'était à l'évidence meilleur que ce que j'avais lu ou parcouru pour les Harlequinades. C'était construit, espiègle, avec un brin de finesse entre deux clichés avec lesquels elle jouait en riant. Et les scènes épicées étaient réussies, parce qu'il s'y jouait vraiment quelque chose entre les personnages. J'ai travaillé un peu avec elle sur le texte et oui, je l'avoue, j'ai aimé ça (si je reprends un jour un "vrai travail", ce sera éditeur, voilà c'est dit). Quelques mois plus tard, H. a accepté le texte pour ses collections numériques, et maintenant le voilà, en vrai papier dans sa couverture toute rose.
    Il s'appelle L'homme idéal (en mieux), et oui maman tu as bien vu, je suis dans les remerciements d'un bouquin Harlequin !
    Autant dire que rien que pour ça, j'ai bien fait d'ouvrir un blog.

    angéla morelli, avis de tempête, c'est beau, un baiserJe te signale d'ailleurs qu'Angéla ne s'est pas arrêtée à ce coup d'essai. Elle a publié d'autres nouvelles plus soft, de cette littérature sentimentale à 1 ou 2 euros dont tu n'as peut-être jamais entendu parler mais qui trustent les meilleures ventes de cette librairie en ligne n°1 de l'édition numérique et la fraude fiscale. Je peux te recommander son dernier, par exemple : il s'appelle Avis de tempête, et il donne assez envie de partir au Québec et d'embrasser votre voisin(e). Ou les deux.
    M'enfin, je ne suis pas ici pour faire de la publicité.
    Mais je peux bien vous avouer, puisqu'on est entre nous, que ça me titille aussi, d'écrire sous pseudonyme. Retrouver plaisir d'écrire dans le plus pur anonymat, un peu comme ici au début. Retrouver aussi plaisir d'écrire sans me faire des nœuds au cerveau, sans chercher à mettre trop de choses dans un texte – tous ces petits détails qu'on glisse entre les lignes et qui font la richesse d'un livre mais qu'on est souvent le seul à voir (snif).
    On en reparlera peut-être un jour, ou pas.
    D'ici là, je vous souhaite de belles lectures, et de belles rencontres.
    Bons baisers de Paris, France, et de ce monde virtuel.

  • ... Et les blogueuses libérées s'abandonnèrent aux joies du sexe

    Du temps où l'on bloguait, ép. 7
    Où comment une simple blague
    finit par changer un petit monde.

    Près de 80 blogueuses (et 4 blogueurs) avaient participé aux Harlequinades, et l'heure était au vote. Et il y en eut des votes, et des sincères, où l'on ne votait pas pour la copine mais pour le texte le plus drôle, parce qu'on avait envie de rire et qu'il n'y avait rien à gagner.
    (Et puis finalement, d'ailleurs, si, il y eut quelque chose à gagner, d'ailleurs : les rires résonnaient si fort sur la toile que les éditions Harlequin elles-mêmes, qui n'y connaissaient que pouic au web, eurent vent de l'affaire et volèrent au secours du succès en proposant de doter le concours (en livres que personne ne lut, je crois)).
    ... Et ainsi donc, en octobre s'achevèrent les Harlequinades.

    Mais leur écho porta bien plus loin que les seuls rires et gloussements étouffés d'une pochade estivale.
    Car le concours avait réveillé chez les blogueuses l'instinct de plaisir et de liberté des premières années, l'envie toute simple et si rare de faire ce qu'on veut. Et au fond, que voulaient-elles ? Du romanesque, du vrai. Elles avaient envie de parler de Hunger Games ou de Jane Austen, ou de livres jeunesse, ou de vampire, elles voulaient des intrigues, des personnages et du sexe si affinités mais sûrement pas des Sacha Sperling ou des bêtes à Goncourt dont les éditeurs gavaient leurs boîtes aux lettres.

    deux blogueuses litteraires, parmi d'autres...Ainsi l'automne 2009 fut-il comme un printemps sur la toile. Une à une, les amazones de la critique envoyèrent balader les attachées de presse des éditeurs traditionnels comme elles l'avaient fait avec wikio, elles achetèrent sans le moindre complexe des livres aux couvertures colorées et au contenu épicé, elles les chroniquèrent, se les échangèrent... Un grand mouvement était lancé que personne à StGermain n'avait vraiment vu venir. Une critique populaire émergeait (tu as remarqué comme tout ce qui est étiqueté populaire est d'habitude abandonné à la seule publicité?), l'art du feuilleton était dépoussiéré...
    Autant dire que tout était mûr pour le succès de 50 nuances de Grey.

    Et tandis que la presse grand public accompagnait ce mouvement étrange qui veut que tous les dix ans une œuvre érotique accède au Graal du grandpublic, tandis que la presse littéraire s'interrogeait sur lesraisonsdusuccès et déversait sur le livre toute sa condescendance, les blogueuses, elles, n'étaient nullement étonnées. Et elles ne se privèrent pas, elles qui l'avaient lu, d'exercer leurs sarcasmes...
    Ce qu'on ne savait pas encore, c'est que l'une des organisatrices de ces Harlequinades, alors reine blogueuse et enseignante adulée, serait approchée par l'un des concurrents de Harlequin pour traduire à son tour (et avec bien plus de verve que les traducteurs de 50 Shades) une série SM... Sur les cendres brûlantes de Happy Few, Angéla Morelli était née.

    A suivre...

    .
    PS – je n'ai pas mis de lien vers les vainqueurs des Harlequinades, parce que figure-toi que plus un seul de ces blogs n'est actif aujourd'hui. Sic transit gloria webi. En revanche, Karine de Moncoinlecture, à qui j'avais donné ma voix, est encore là, et joliment.

    Quant à moi, eh bien, je m'étais bien amusé. J'avais écrit cette quatrième de couverture, là... Et figure-toi que cinq ans plus tard elle me titille encore parfois, l'idée d'écrire ce livre. Si tu as envie de le lire ou si tu as des infos sur George et Alfred (ou Fred), viens, je t'offre un verre.

  • Les Harlequinades ou l'apogée de la blogosphère

    (Du temps où l'on bloguait, ép. 5
    Où tu trouveras, en bas là-bas, le lien vers une archive plus que précieuse.
    Salut à toi, Fab'shion)

    harlequinades, woodstock, valmyIl y a les événements qui vous marquent une génération. Et puis il y a ceux, rares et précieux, qui font une génération. Mettons, Woodstock : le genre d'événement qui soudain fédère une communauté, qui attire et qui met en mouvement, le genre d'événement dont les participants ne se rendent pas compte qu'ils sont en train d'écrire l'Histoire et qui devient un souvenir inoubliable, puis une légende. Le genre d'événement dont Goethe pourrait dire qu'il y était. Quant à moi, eh bien, je n'étais pas à Valmy, ni à Woodstock, mais pour les Harlequinades, figure-toi, j'y étais.

    J'étais pourtant en marge du grand mouvement des blogueuses. J'en avais rencontré certaines, on se lisait/commentait de temps en temps, j'avais vu naître les livres voyageurs et gonfler les PAL, j'avais vu se multiplier les challenges, mais je n'avais jamais participé.
    … Jusqu'à ce que, dans la chaleur de l'été 2009, deux des plus actives et des plus pertinentes d'entre elles (gloire à vous, Chiff' et HappyFew) ne décident de lancer un défi d'un genre nouveau. Au départ ça n'était qu'une pochade, comme on ferait les mots fléchés de Cosmo allongé sur une serviette de plage. L'idée était simple : il s'agissait de lire pendant les vacances un roman Harlequin (ou équivalent) et d'en faire une critique la plus sérieuse possible, comme s'il s'agissait d'un classique de la littérature. Les Harlequinades étaient nées.
    Ce n'était qu'une pochade, donc, mais les premiers billets publiés respiraient une joie d'écrire nouvelle, une joie qui resta contagieuse jusqu'à l'automne : début octobre, 80 billets avaient été publiés. On y analysait les codes de la romance et les déterminants de la sexytude, on raillait les princes charmants, et les princesses coincées et les traducteurs peu inspirés, on comparait l'amour des années 80 et celui des années 2000, et on s'amusait, et on couinait. Devant l'enthousiasme collectif, les organisatrices ajoutèrent même un challenge annexe en mode atelier d'écriture : le concours de la quatrième de couverture la plus harlequinesque.
    Une révolution était en germe mais nous ne le savions pas encore. Et pourtant il fallait les voir, ces blogueuses, au pique-nique de rentrée de cette année 2009, évoquant les muscles saillants de Brad, le membre turgescent de Chris, des baisers improbables et la sueur des scènes les plus épicées. Je me souviens encore de celle-ci (non je ne cafterai pas), lisant à voix haute un passage croustillant de sa romance du moment, se moquant et couinant dans le même temps, le sourire en coin mais l’œil brillant... Car c'était ça, je crois, le grand secret du succès : ce savoureux mélange de second et de premier degré qui vous fait trouver le plaisir le plus vif dans ce qu'il y a de plus kitsch – cette jubilation quand je chante Bonnie Tyler à tue-tête dans ma voiture, par exemple (oui j'ai une voiture).

    Pendant ce temps-là, la Rentrée littéraire battait son plein mais les blogueuses s'en foutaient complètement, elles étaient occupées à lire et à commenter les harlequineries des unes et des autres, tout en galipettes et torses velus en attendant l'heure des votes.
    Car votes il devait y avoir !
    ... Mais de la fin du concours et de tout ce qu'il a changé, nous parlerons la prochaine fois, si tu veux bien. Il y a beaucoup à dire et je suis déjà trop long.

    En attendant, tiens, tu peux aller voir deux liens :
    - cette première note venue d'outre-Atlantique et qui, selon les historiens, a tout déclenché
    - … et le billet qui résume tout. Hot icing on a great cake.
    Oui, tu ne rêves pas : Happyfew a fermé son blog mais je l'ai retrouvé tout au fond des archives secrètes du web, avec les liens vers toutes les notes publiées cet été là. C'était beau, c'était grand, nous étions tous à poil et nous échangions dans la joie et l'ironie. Balade-toi, soupire, rigole, tu verras ce que c'était, la blogosphère du temps de l'âge d'or. Amuse-toi bien, je reviens.

  • Du temps où l'on bloguait (interlude)

    b6cbf104fbfa435ec36c3115fd4206fe.jpgUn an ! Un an déjà que j'ai honteusement laissé en plan cette petite saga du monde merveilleux et impitoyable des blogs littéraires.
    Mais sache que j'ai une bonne excuse : en janvier dernier, alors que j'allais écrire l'épisode 5, tout s'est soudain accéléré pour Truc#4, qui est devenu Sous les couvertures, avec une couverture, une vraie, et une sortie en septembre. Mais ça, tu le sais sans doute déjà. Tu t'es peut-être demandé, d'ailleurs, pourquoi je n'en avais pas parlé ici. Après tout, ça devrait servir à ça, un blog, faire sa promo plutôt que de parler des livres des autres... Je te dirai que tu as raison, sûrement, mais que faire de la retape, je n'en avais aucune, mais alors aucune envie – et si tu as lu le début de la saga, tu auras compris que c'est important, l'envie, sur un blog. Il n'y a même que ça qui devrait compter.

    L'ironie, c'est que la sortie du livre m'a reconnecté avec la 'blogosphère littéraire'. Tout est parti de quelques chroniques (merci à vous Leiloona, Jérôme, Daniel, Sophie, Charlotte... je n'ai rien dit mais j'ai lu^).
    Parmi celles-ci, il y avait celle de Stephie, que je ne connaissais pas, et qui a proposé le livre pour les 'Matches de la rentrée littéraire' de Price Minister, avec un succès déroutant...
    … Et c'est là qu'un monde nouveau s'est ouvert à moi. Je te la fais courte : par la grâce de Stephie et de PM, le livre a été envoyé à 160 blogueurs-ses (je le mets au masculin mais dans ceux que j'ai lus, je ne crois pas avoir vu un seul homme), qui s'engageaient à écrire un billet sur leur blog avant Noël.
    Autant dire que j'en ai appris, des choses, sur la blogosphère d'aujourd'hui. Mais on en reparlera plus tard, si tu veux bien : ces 160 blogs, c'était un peu mon stage d'immersion dans l'univers du grand public, je manque encore un peu de recul pour te faire mon rapport... Et puis, j'ai promis de finir cette saga, alors allons-y !
    Si tu as manqué le début, voici un résumé en attendant :
    Dans l'épisode 1, on ouvre des blogs, on se découvre, on se rencontre. Dans l'épisode 2, les commentaires se multiplient et la blogosphère commence à se faire entendre : les éditeurs s'interrogent et commencent à envoyer des services de presse comme une bouteille dans une mer invisible. Dans l'épisode 3 (avec guests), la blogosphère devient influente : Télérama enquête sur le phénomène, les premiers classements apparaissent, les boîtes aux lettres des blogueuses les plus en vue débordent de SP... Mais à l'épisode 4 (épisode double), retournement de situation ! Les plus grandes blogueuses, énervées de recevoir des livres dont elles se foutaient, des relances d'attachées de presse et des mails aigris de blogueuses jalouses, se rebelles et décident d'envoyer balader les éditeurs et les classements en tous genres.
    La saison 1 se finissait ainsi :
    Les blogueuses avaient niqué Wikio et retrouvé leur liberté. Ce n'est sans doute pas un hasard si, dans cette même période, plusieurs d'entre elles s'enhardirent jusqu'à changer de voie professionnelle. Elles devinrent journaliste, bibliothécaire ou libraire... L'une d'elles, si si, devint même Angéla Morelli.

    On va parler de tout ça, promis. Mais avant ça, prépare-toi, dans l'épisode 5 on parlera de cette merveilleuse pochade qui, commencée comme un pari entre deux mojitos, aura changé durablement la face de la blogosphère : les Harlequinades. Et cette fois-ci, on n'attendra pas un an.

    Mets-toi à l'aise et installe-toi sous les couvertures, j'arrive.

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  • De la légèreté et des auteurs poids lourds

    … Et le moment vint de retourner à des livres plus légers – du moins, en apparence.
    J'en aurai deux pour vous, là comme ça. Un réaliste, un fantastique. A voir selon l'humeur du moment, si vous avez plutôt envie de réenchanter le quotidien avec Arnaud Dudek, ou de le sublimer avec Martin Page.

    9782221144947.JPGMartin Page – Je suis un dragon
    Dans son
    Manuel d'écriture et de survie, en septembre dernier, Martin Page dressait un magnifique éloge de la littérature pour enfants – celle qu'on lit, celle qu'on écrit. Lui-même a écrit plusieurs histoires pour enfants et pour adolescents, sous son nom ou sous celui de Pit Agarmen. Aujourd'hui, il réalise la synthèse parfaite : de la littérature pour grands enfants, en quelque sorte. Tout ce que j'aime.
    En un mot ? Margot, une ado timide, se découvre des superpouvoirs. Des pouvoirs qui lui font peur et qu'elle cache, jusqu'à ce qu'un soir elle soit obligée de s'en servir – et qu'une fois repérés ils soient rapidement
    mis à profit par les gouvernements français et américains. Une joint-venture, en quelque sorte. C'est une histoire de super-héroïne qui se met alors en place, mais une super-héroïne de quinze ans qui a envie de choisir ses missions et de laisser tomber son costume de Dragon-girl pour tomber amoureuse, par exemple. Une histoire de libération, donc, une sorte de parabole des talents version 2015, en mode clever-pop (moi aussi j'ai droit d'inventer des néologismes à la con). Réussi, en somme.
    Je me souviens qu'en septembre, dans son Manuel, le même Martin Page écrivait : Si nous le désirons, le monde est à nous. J'ai assez envie de le prendre au mot. Et oui, j'ai envie d'écrire plus d'histoire pour enfants, et oui je m'en vais tester l'écriture sous pseudo. Je crois que j'aimerais bien être Martin Page.

    Couverture_20-_20Une_20plage_20au_20po_CC_82le_20Nord0.jpg?v=1plpxo1e20wkjwy0Arnaud Dudek – Une plage au pôle Nord
    Arnaud Dudek est l'un des rares auteurs que j'ai suivi dans leur progression, depuis ses nouvelles jusqu'aux romans. J'avoue que les nouvelles avaient fini par me lasser, comme des exercices de style tout entiers tournées vers une chute qui semblait comme un twist imposé. Mais en passant à la forme longue, il avait retrouvé du souffle. Le premier m'avait agréablement surpris, le deuxième avait confirmé... Et le troisième poursuit la voie engagée. L'histoire est à la fois minimale (160 pages) et à la hauteur de vies entières (une veuve septuagénaire et un jeune père divorcé qui se réinventent ensemble), avec toute la finesse des nouvelles et toute la force du roman : on y prend le temps de découvrir les personnages, on s'offre l'ellipse et le mystère, on varie les points de vue, les effets, les angles. Et plus que jamais, Dudek s'amuse, non pas avec ses personnages (c'est un auteur sérieux) mais avec les codes, s'autorisant de mini-cliffhangers comme autant de clins d’œil au lecteur. "Un écrivain narquois", dit le dossier de presse d'Alma. C'est bien trouvé. Je crois que j'aimerais bien être un écrivain narquois.

    ... En attendant, je m'en vais voir si l'herbe est plus verte là où il pleut le plus. Dans mon sac, j'emporte quelques écrivains-voyageurs, et Eric Reinhardt. J'ai promis de le lire sans a priori, on pourra vérifier s'il est moins léger que Page ou Dudek. Peut-être méritait-il tout le foin qui fut fait autour de lui à la rentrée. Peut-être n'est-il que lourd. On verra bien.

  • Le Pont sur la Drina

    514pMJUSKML._SY344_BO1,204,203,200_.jpg… Et donc, voici quelques semaines, en l'an un avant CH, j'avais rouvert Le Pont sur la Drina.
    Je m'étais étonné de ne me souvenir de rien, dix ans après l'avoir entamé une première fois. J'avais voulu me rassurer en me disant que l'essentiel des livres finit toujours par pénétrer le cerveau, que c'était cette somme un peu nébuleuse des livres qu'on lit qui fait non pas la culture (celle qu'on étale), mais la sagesse. Trois cents pages et un point final plus loin, j'espère bien que cette intuition est juste. Parce que quand même, quel livre.

    Le Pont sur la Drina, c'est la chronique de la petite ville de Visegrad, à la frontière entre Bosnie et Serbie. Une ville où en 1506 les Ottomans construisirent un pont pour faciliter le passage entre les deux parties de leur Empire qui s'étendait jusqu'en Hongrie. Une chronique sans héros sinon le pont lui-même, écrite en tableaux successifs et pourtant tout en continuité, sans le moindre bout de ficelle qui dépasse (tu écris ? viens ici prendre une leçon, petit). Parce que ce qui compte pour Andric, ce n'est pas la mécanique romanesque, mais la mécanique humaine. Andric se moque des héros. Il s'intéresse à cette majorité, silencieuse ou braillarde, qui ne demande qu'à vivre tranquillement, à jouer, à aimer ou à s'enrichir en paix, mais que toujours un maître vient soumettre au nom de la grandeur d'un empereur ou de la machinerie d'une administration. Et donc, autour du pont, c'est une histoire de révoltes, de frontières que l'on dresse et que l'on défait, de Turcs puis d'Autrichiens puis de miliciens serbes.
    Le Pont sur la Drina, c'est l'homme tel qu'il est dans le flot de l'Histoire – celui qui résiste et s'adapte aux changements de régimes, aux progrès techniques, aux données politiques, celui qui change et reste le même. Le roman d'un grand sage, avec l'immense sagesse de savoir que les hommes sont déraisonnables – mais pas toujours.

    Bref ! Brisons-là. Je ne me leurre pas, j'imagine bien que personne ne se précipitera en librairie pour acheter ce livre (6,60€ en poche). Mais toi qui lis ces lignes, un jour, je te le dis, tu tomberas sur ce livre – peut-être quand sortira le film de Kusturica, tiens (hum). Ce jour là tu auras oublié qui t'en avait parlé et ce qu'on t'en avait dit, mais sans trop savoir pourquoi cette fois tu l'ouvriras. Et ce jour-là, je te le promets, le monde ira un tout petit peu mieux.
    Hop.

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    "… Et le lendemain, au lever du jour, musulmans et Serbes vaquaient à leurs affaires, offraient les uns aux autres des visages éteints et inexpressifs, se saluaient et discutaient en échangeant la centaine de mots, indispensables à la politesse de rigueur, qui circulaient depuis toujours dans la ville, passant de l'un à l'autre comme de la fausse monnaie, rendant malgré tout les échanges possibles et plus faciles."

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    "L'année 1908 arriva et avec elle une grande inquiétude, une menace sournoise qui ne cessa plus désormais de peser sur la ville. En réalité, cela avait commencé bien plus tôt, avec la construction du chemin de fer et les premières années du siècle nouveau. En même temps que les prix montaient et que le papier-monnaie, les dividendes et l'argent faisaient des bonds ou s'écroulaient dans une ronde infernale et incompréhensibles (...) on s'était mis à parler de politique."

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    "Les plus vieux regrettaient le "doux silence" qui était considéré, à l'époque turque, comme le but ultime à atteindre (…) et qui régnait encore dans les premières décennies de l'occupation autrichienne. Mais ils étaient peu nombreux. Tous les autres aspiraient à une vie bruyante, excitante et agitée. Ils voulaient une vie intense ou du oins l'écho de celle que d'autres menaient, en tout cas la diversité, le vacarme et la fièvre qui donnaient l'illusion d'une vie intense. Et cela changeait non seulement l'état des esprits, mais aussi l'aspect extérieur de la ville."

  • Entre toutes les femmes... Erwan Larher

    Difficile, une semaine après ça, de recommander un livre. Un grand classique, peut-être, qui engloberait toute la sagesse du monde. Un contemporain, peut-être – mais alors un livre qui parlerait de politique. Du politique, parce qu'on en a besoin. De politique, aussi, avec son mélange d'idéalisme et de réalisme.
    Parce que sans idéalisme, on ne fait que se soumettre. Et sans réalisme, l'idéaliste a tôt fait de baisser les bras. Parce que la politique est un combat – pour imposer ses idées dans un agenda, pour forcer des décisions, pour oser questionner la réalité et changer les choses.
    Un livre politique, donc ? A écouter la radio avant, on aurait cru qu'il n'y avait que Michel H. Evacuons : je suis fan de Houellebecq, son intuition d'un peuple soumis me semble assez bien vue, hélas, mais au vu des pages incroyablement faibles que j'ai pu lire, je crains qu'il n'ait surtout cherché à choquer les lecteurs de l'Obs. J'espère me tromper.
    Quoi qu'il en soit, pour l'heure, j'ai moins envie de lire Soumission que de réfléchir à l'insoumission, avec Erwan Larher.

    9782259222570.GIFLe livre s'appelle Entre toutes les femmes.
    L'histoire : à quelques siècles d'ici, un groupuscule s'applique à faire vivre le culte d'un certain Arsène Nimale, qui aurait pris le pouvoir en France aux environs de notre époque avec un programme plutôt fou : repenser tout pour rechercher l'intérêt commun sans se soucier des positions acquises des élites, avec l'empathie pour arme principale, et une fausse naïveté pour questionner nos idées toutes faites à force de "Pourquoi ?"
    Oui, il y a de l'idéalisme, là-dedans. Tant mieux. Qu'on nous donne des gens qui se demandent si, pas des gens qui pensent que !
    On pourrait lire le livre rien que pour ça. Mais il ne s'en contente pas, loin de là. Il parle aussi comme peu savent le faire de la politique, la vraie, avec toute la difficulté crasse du quotidien, les divisions internes du camp nimalien, et le clan des cyniques qui a toujours la force avec lui.

    Entre toutes les femmes est l'histoire d'une tentative de révolte. Sans héroïsme hormis celui du quotidien, mais avec une héroïne : Cybèle, la Voix qui endort les masses avec de belles histoires et qui se trouve confrontée à la foi nimalienne. Cybèle qui comprend, qui s'informe, qui hésite. Et puis Cybèle qui agit, Cybèle qu'on manipule, Cybèle qui va plus loin, et d'autres qui entrent dans la danse... Mais je n'en dis pas plus, sinon que le fond est là, à la fois intelligent et galvanisant. Et qu'il est servi par une efficacité romanesque impeccable, qui en fait non pas un roman à thèse (pitié!) mais un roman avant tout qui délivre ses messages en passant, au choix pour le lecteur de prendre ou non, et d'entrer dans l'arène une fois le livre refermé.

    On trouvera bien ici ou là quelques exagérations qu'on pardonne volontiers à l'auteur (rien qui ne soit du niveau de Bayrou 1er ministre, par exemple). On y trouvera aussi, en plein dans l'uchronie, de la foi, un brin de soumission, un zeste de Huysmans et du sexe, comme chez Michel. Mais entre les pipes un peu tristes des personnages de Houellebecq et la baise frénétique des militants de Larher, franchement, je n'hésite pas.